Chroniques

L’inflation par les profits des bailleurs

Le logement en question

La campagne pour les élections fédérales a débuté dans un contexte marqué par la hausse des profits des grandes entreprises et le néoconservatisme. Comme l’a reconnu le Fonds monétaire international, 45% de l’inflation découle de l’augmentation des bénéfices accaparée ensuite par les actionnaires. Cette hausse des prix augmente la part de revenus que doivent consacrer les travailleur·euses à la couverture de leurs besoins vitaux: se loger, se nourrir ou se soigner.

La hausse des loyers est une des principales causes de l’augmentation du coût de la vie. La spéculation immobilière génère une spirale infernale, puisque l’augmentation générale des loyers est prise en compte pour justifier de nouvelles hausses de loyer (selon le critère des «loyers usuels du quartier»). L’inflation permet aussi d’augmenter les loyers des baux indexés à l’indice des prix à la consommation. Cet effet boule de neige va même au-delà du «marché locatif». En nourrissant l’inflation, il pousse à la hausse les prix d’autres biens de consommation et les taux d’intérêts des banques, puisque la Banque nationale augmente ses taux pour lutter contre l’inflation.

Ces sociétés (UBS, SwissLife, etc.) accaparent une part du pouvoir d’achat et de l’épargne des ménages. Peu de personnes ont des salaires et un «bas de laine» indexés au coût de la vie. Encore moins ont la possibilité d’acheter des immeubles de rendement.

C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre l’action des partis de droite au Grand Conseil genevois pour modifier la loi régissant le secteur Praille-Acacias-Vermets (PAV) et obliger la collectivité à vendre une partie de ses terrains. En parallèle, ces mêmes partis démantèlent la protection contre les congés et les loyers abusifs au Parlement fédéral. Les bailleurs dits «institutionnels» (banques, fonds d’investissements, gestionnaires d’actifs, etc.), dont la majorité politique défend les intérêts, veulent soumettre un maximum de logements à la spéculation et renforcer celle-ci au détriment des locataires.

La politique de démantèlement des droits et des acquis sociaux repose sur la peur (chômage, perte de logement, absence de retraite) et sur la mise en concurrence des salarié·es et des locataires. Après avoir eu de la peine à trouver un logement, le ou la locataire renonce la plupart du temps à contester son loyer initial ou une hausse de loyer. La protection contre les congés de représailles peine à rassurer les locataires. C’est la principale faille de la protection des locataires. Elle exige d’agir contre son bailleur, de s’opposer individuellement à sa politique, alors que les enjeux ne sont pas les mêmes pour chacune des parties. Le ou la locataire expose son lieu de vie, celui de sa famille (école, crèche…); elle ou il joue beaucoup plus gros. Les solutions pour résoudre la crise du logement doivent intégrer cette divergence et cette disproportion d’intérêts, avec des revendications fondées sur ces principes simples:

1) Sortir le logement de l’accaparement de la rente foncière par ces sociétés financières. Les intérêts des locataires sont mieux protégés lorsque le bailleur a pour mission et objectif de fournir des logements à ses membres ou à ses administré·es. Favoriser les maîtres d’ouvrages d’utilité publique ou les bailleurs publics à vocation sociale est indispensable. Il faut donc conserver les terrains et les logements en mains publiques.

C’est pour cela que l’Asloca Genève a lancé le référendum contre la vente de terrains au PAV (près de 8000 signatures déposées). Pour soustraire un maximum de logements de la spéculation, les immeubles bâtis qui font l’objet d’une intense spéculation doivent également pouvoir être préemptés.

2) Garantir l’accès au logement, sans discrimination et selon les besoins de la population. Aujourd’hui, les logements sont attribués d’abord selon la capacité financière, ensuite selon l’appartenance ou non au cercle de connaissances du bailleur ou de la régie. Le business des «chasseurs d’appartements» prend de l’ampleur.

De même, en particulier pour obtenir un maximum de rendement sur l’argent utilisé pour construire un immeuble, des logements trop petits sont réalisés. Or, vivre dans un logement mal isolé ou de trop petite taille impacte au quotidien la vie des locataires. Quelques semaines de canicule suffisent à le rappeler.

Pour les nouveaux logements, l’accent doit être mis non seulement sur le niveau du loyer, mais aussi sur la qualité.

3) Faire respecter l’interdiction de pratiquer des loyers et des congés abusifs. Les bailleurs fixent les loyers selon la demande la plus solvable. La loi n’est presque jamais respectée et c’est aux locataires qu’il est demandé d’agir. La logique doit s’inverser.

Christian Dandrès est conseiller national et juriste à l’Asloca. Il s’exprime dans cette chronique à titre personnel.

Opinions Chroniques Christian Dandrès Le logement en question

Chronique liée

Le logement en question

mercredi 20 octobre 2021

Connexion