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Faites vérifier vos hausses de loyer!

Le logement en question

Il n’aura pas fallu quinze jours aux bailleurs pour répercuter la hausse du taux de référence. La direction de Swiss Life a annoncé avoir l’intention de majorer le loyer de 21’000 ménages.

De nombreuses hausses peuvent être contestées. Le taux d’intérêt de référence est calculé tous les trimestres sur la moyenne des hypothèques en Suisse. Le 1er juin, il est passé de 1,25% à 1,5% et devrait encore augmenter selon l’Office fédéral du logement (OFL). Le bailleur peut majorer le loyer de 3% lorsque ce taux augmente de 0,25%. La hausse doit être notifiée 3 mois avant la date du renouvellement du bail par un avis (formulaire jaune à Genève) contestable auprès de la Commission de conciliation dans les 30 jours.

Attention! Le délai court le lendemain du retrait de l’avis si celui-ci a lieu dans les 7 jours fixés par la Poste pour retirer les recommandés. Si l’avis n’est pas retiré, la lettre repart à l’expéditeur. Le délai court le lendemain, la régie n’étant pas obligée de renvoyer l’avis avant la fin du délai de contestation. En cas de vacances, il faut faire garder les recommandés à la Poste ou donner une procuration à une personne de confiance.

L’Asloca conseille aux locataires de faire vérifier ces hausses auprès de ses juristes. Il est souvent possible de faire valoir que le loyer est déjà abusif et qu’il ne peut pas augmenter encore, en particulier si l’immeuble a été acheté ou construit il y a moins de 30 ans.

Les bailleurs veulent tirer les marrons du feu. Le directeur général de Swiss Life défend ces hausses et prétend que seuls 10% des loyers procurent des bénéfices. Pourtant, cette assurance se porte très bien grâce à l’immobilier1>SwissLife, «En 2022, SwissLife augmente son bénéfice net de 16% à 1,46 milliard de francs», com. du 01.03.23.. Les bailleurs peuvent en effet compter sur un système juridique taillé sur mesure. Nous avons déjà rappelé comment le Tribunal fédéral (TF) a modifié sa jurisprudence pour quadrupler le pourcentage admissible de rendement en dessus du taux d’intérêt (ATF 147 III 14)2>accès: https://tinyurl.com/yc4u7szz et comment le TF a supprimé la possibilité de ramener le loyer à un niveau non abusif en cours de bail.

Protéger et étendre le parc de logements abordables. Combattre cette politique passe par la préservation du parc de logements encore abordables, la soustraction d’un maximum d’appartements de la spéculation et la protection effective des locataires contre les loyers abusifs. Concernant le parc immobilier, l’Asloca Genève prépare un projet pour étendre la possibilité de préempter des immeubles. Il s’agit du droit d’acheter en lieu et place d’un privé des bâtiments pour les soustraire à la logique de maximisation du profit (rente foncière). Une majorité de communes y est favorable, selon un sondage commandé par l’OFL et l’Union des villes suisse3>OFL, Union des villes suisses (Wüestpartner), «Politique du logement des villes et des communes urbaines, résultat d’une enquête», 4 mai 2023, https://tinyurl.com/5cm94px3.

Cet objectif heurte celui des bailleurs d’accroître la taille de leur parc immobilier pour spéculer sur une plus large assiette. A Genève, la droite au Grand Conseil a ainsi attaqué la loi sur le secteur PAV pour forcer le canton à vendre ses terrains4>L’Asloca a lancé le référendum: env. 8000 signatures déposées le 28 juin contre les lois 12290 et 12291.. Les milieux immobiliers mènent en parallèle une campagne de discrédit sur la préemption5>RTS, https://tinyurl.com/mm3dch2.

Ce droit doit être adapté pour répondre au besoin. Dans le canton de Vaud, la préemption se fait au prix décidé par le vendeur. A Genève, le prix peut être fixé en dessous pour ne pas alimenter la spéculation. La collectivité ne peut toutefois pas préempter des bâtiments, mais uniquement des terrains. Or, ceux-ci se font rares. Ce droit doit être étendu aux logements qui sont vendus et revendus à des prix très élevés. Les impôts immobiliers en attestent, avec un excédent de 131 millions de francs par rapport au budget 2022. Le résultat de l’impôt sur les bénéfices et les gains immobiliers (IBGI) était déjà passé de 62 millions en 2020 à 195 en 20216>Comptes 2022, p. 9, https://tinyurl.com/mr332f72. (Pour rappel, l’IBGI lutte contre la spéculation, avec un taux d’imposition de 50% pour les immeubles détenus moins de 2 ans, dégressif avec le temps et qui n’est plus prélevé après 25 ans.)

La mise en place d’un tel droit permettrait de protéger les locataires et les futur·es habitant·es, mais aussi de bloquer la spéculation sur l’ensemble du parc immobilier, par son effet modérateur.

Notes[+]

Christian Dandrès est conseiller national et juriste à l’Asloca. Il s’exprime ici à titre personnel.

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mercredi 20 octobre 2021

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