Chroniques

Le plan de la CGI ne doit pas devenir la feuille de route du Conseil d’Etat

Le logement en question

La Chambre genevoise immobilière (CGI) appelle dans un mail à la «mobilisation générale» pour faire élire au Conseil d’Etat Anne Hiltpold, sa secrétaire générale. Avec cette candidate, la CGI veut revenir au pouvoir après l’ère Mark Muller (2005-2012). Sept ans où les propriétaires ont été bien servi·es, au détriment des locataires et de la majorité de la population. Voici trois exemples: 1) Le Saint-Georges Center, à la Jonction, a été bâti sur des terrains laissés à Thierry Barbier-Mueller, Paul et Patrick Pillet. Ces derniers ont construit des bureaux loués pour quinze ans à l’Etat à un loyer de 5,2 millions par an (!), ce qui leur a permis de le vendre quelques années plus tard pour 141 millions de francs; 2) La hausse des prix des terrains dans les plans financiers des immeubles en zone de développement a induit des loyers plus élevés; 3) L’extension massive des autorisations de ventes à la découpe d’immeubles locatifs a entraîné des congés et de la spéculation à outrance.

Quelle serait la feuille de route des promoteurs et bailleurs pour Mme Hiltpold? Il y a la crise climatique. Les immeubles doivent être rénovés. Les propriétaires veulent faire payer ces travaux aux locataires et à la collectivité. En jargon néolibéral, il s’agit d’un «incitatif vertueux». La principale loi de défense des locataires (LDTR) limite ces hausses de loyers et sera donc une cible de choix.

Autre enjeu: la bulle immobilière. Les prix de vente des immeubles explosent. Les bailleurs cherchent à rentrer chaque franc payé et mènent des actions agressives pour majorer les loyers. C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre la proposition (PLR) de déduction fiscale liée au loyer. Cette économie d’impôt finirait à n’en pas douter dans la poche des bailleurs.
Si elle était élue, Mme Hiltpold pourrait s’appuyer sur une majorité politique ayant la même vision des «solutions» à la question du logement. Nathalie Fontanet parle de «convergences précieuses sur des sujets cruciaux», soit un projet néolibéral alliant le démantèlement des droits des salarié·es, assuré·es et locataires à une vision xénophobe et autoritaire. Sont significatives les démissions de Françoise Saudan du PLR et Sophie Buchs du Centre après la constitution de la liste commune PLR-Centre-UDC-MCG pour le second tour au Conseil d’Etat.

Le programme de la droite unie (Alliance) est de favoriser les personnes aux revenus les plus élevés, notamment en augmentant à 35% la part de la propriété par étage (PPE) en zone de développement. Ceci équivaut à détourner le but de cette zone, qui est de restreindre la spéculation et de favoriser l’accès au logement pour la majorité de la population. Or moins de 20% des Genevois·es ont les moyens d’acheter une PPE. L’Etat devrait en sus se porter garant des prêts hypothécaires. L’Alliance veut servir les promoteurs, mais pas au détriment des banquiers. Avec la crise économique et la hausse des taux hypothécaires, le risque de défaut de paiement de certains propriétaires existe. A noter que le Centre, à l’origine de cette proposition, refuse en revanche que l’Etat aide les locataires. A Berne, ce parti a rejeté le soutien aux locataires commerciaux ayant dû fermer durant le Covid. A Genève, il a refusé que l’Etat soutienne les locataires ayant des problèmes de liquidités menacé·es de perdre leur logement.

L’Alliance défend un programme qui sert les bailleurs et les couches «supérieures» de la société. Rien pour la protection des locataires et le soutien à la politique du logement sans but lucratif, sauf la volonté de l’UDC de réserver les logements d’utilité publique (LUP) aux locataires n’ayant pas de casier judiciaire… La politique du logement défendue par l’Alliance repose sur la PPE. Elle est donc sans issue même pour la «classe moyenne». Les taux hypothécaires augmentent rapidement. S’endetter massivement pour acheter une PPE est un risque élevé. Dans le domaine du logement comme en matière d’emploi, ces partis politiques prônent une vision tronquée.

Etre petit propriétaire d’une PPE sans avoir de la fortune ou un revenu élevé, c’est un peu comme être indépendant dans le modèle Uber. La multinationale tout comme le promoteur obtiennent les bénéfices, tandis que le pseudo-indépendant comme le petit propriétaire supportent le risque économique et financier ainsi que les pertes.
Face à la crise, la majorité de la population mérite mieux que Mme Hiltpold et son programme taillé sur mesure pour les bailleurs. Le 30 avril, mobilisons-nous pour une politique axée sur la défense et le renforcement des droits des locataires.

Christian Dandrès est conseiller national et juriste à l’Asloca.
Il s’exprime ici à titre personnel.

Opinions Chroniques Christian Dandrès Le logement en question

Chronique liée

Le logement en question

mercredi 20 octobre 2021

Connexion