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L’Afrique aide-t-elle la Russie?

L’Afrique aide-t-elle la Russie?
Le président russe cherche à obtenir le soutien des dirigeants africains réunis à Saint-Pétersbourg. KEYSTONE
Russie

Le Sommet Russie-Afrique qui se tient depuis hier à Saint-Pétersbourg tombe à point nommé pour Vladimir Poutine, juste après son refus de renouveler l’accord sur l’exportation des céréales ukrainiennes et ses bombardements criminels du port d’Odessa. Loin de braquer nombre de pays africains, pourtant affectés par ces agissements, les risques de flambée du prix du blé sur le continent noir pourraient paradoxalement les rapprocher du Kremlin, qui promet de les approvisionner lui-même en matières premières à moindre coût.

S’il est peu probable que le tyran russe puisse tenir ses promesses – étant donné le gigantisme des exportations ukrainiennes –, l’attitude positive de nombreux pays africains vis-à-vis de la Russie ne s’explique pas seulement par leur dépendance à son égard. Si beaucoup d’Etats comptent sur les hydrocarbures et les aliments russes, ainsi que sur l’appui des mercenaires de Wagner – particulièrement appréciés pour lutter contre les djihadistes –, ils cherchent aussi à s’émanciper de leurs anciennes puissances coloniales.

Des Etats impérialistes – France et Grande-Bretagne en tête – qui, loin de les aider à les mettre sur la voie du «développement» comme promis ad nauseam, les ont le plus souvent soumis aux intérêts de leurs multinationales et les ont indirectement rendus vulnérables à la violence djihadiste, laquelle peut se présenter comme un remède à la misère et à l’humiliation. Le rapprochement récent de nombreux gouvernements africains avec la Chine et la Russie vise ainsi à s’affranchir de vieilles servitudes, mais également à échapper aux exigences démocratiques d’élections régulières de la part de l’Occident. Le retour des coups d’Etat à «l’ancienne», comme au Mali, au Burkina Faso, et mercredi encore au Niger, marque hélas aussi l’échec de «démocratisations» qui n’avaient parfois de démocratique que le nom, et qui n’ont pas entraîné une amélioration socio-économique sensible des conditions de vie des populations.

Le refus de nombreux pays africains, et plus généralement d’Etats du Sud, de condamner l’agression russe en Ukraine, en dépit du crime international qu’elle constitue, a aussi pour racine l’hypocrisie occidentale et son «deux poids, deux mesures» en matière d’intervention militaire et de droits humains dans le monde. Certains interprètent également l’extension de l’OTAN à l’Est et les ingérences occidentales en Ukraine comme un véritable casus belli.

Plutôt que de se draper dans sa superbe, l’Occident ferait mieux d’accepter les propositions de médiations de paix venues de pays comme l’Afrique du Sud ou le Brésil. Seul un compromis permettra de sauver des centaines de milliers de vies en mettant fin à cette guerre absurde.

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