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Une reddition peut-elle sauver la paix?

Pierre-Alain Wassmer réagit à l’analyse de Christian Mounir «Pour une unité du camp de la paix», du 6 juillet, en apportant un autre point de vue.
Ukraine

L’article signé Christian Mounir (page Contrechamp) laisse une impression étrange, avec un long développement théorique «révolutionnaire» pour arriver à la conclusion inattendue qu’il faut se soumettre à l’envahisseur pour obtenir la paix. Car c’est bien la concrétisation logique des propositions de l’auteur (ne pas soutenir l’Ukraine, arrêter les sanctions contre la Russie).

Il ne s’agit ainsi pas d’un pacifisme courageux qui marche contre un gouvernement oppresseur comme ce fut le cas en Inde ou en Afrique du Sud, mais bien un appel à la reddition face à l’envahisseur.

Pour cela notre auteur utilise une grille d’analyse particulière, que l’on a déjà vue notamment dans la propagande russe: «Le peuple ukrainien ne compte pas». Donc pas besoin de demander aux Ukrainiens s’ils veulent se rapprocher de l’Europe ou s’ils préfèrent se placer sous la protection russe.

Cette dernière proposition ne trouvant pas vraiment l’assentiment des peuples de l’ancien bloc soviétique (les premiers à aider l’Ukraine), il convient alors de prétendre que cette guerre est uniquement un conflit entre grandes puissances et qu’il ne faut pas prendre position. «Quand les fauves se disputent une proie, on ne va pas y fourrer ses mollets» nous dit-on, comme si l’Ukraine était un bout de viande sans importance. Comme si le peuple ukrainien n’était pas déjà meurtri par l’agression russe.

Cette grille d’analyse permet d’écarter la condamnation de l’invasion de l’Ukraine par une Russie impérialiste qui chercherait à reconstituer l’empire soviétique ou la grande Russie tsariste au détriment de ses voisins. Parce que l’Ukraine n’est pas la première sur la liste des méfaits de Poutine, la Tchétchénie et la Géorgie ont connu le même destin, sans que les pays occidentaux ne réagissent, sans que l’Europe ne «prenne position». Et sans que la paix ne soit sauvée. Jusqu’où faudra-t-il reculer pour que le régime criminel de Moscou ne s’arrête? S’arrêtera-t-il seulement de lui-même?

Les propositions de M. Mounir permettront-elles d’arrêter Poutine? Parce qu’il y a encore la Moldavie, et peut-être aussi les pays baltes, si on n’y prend pas garde. Et les ingérences russes vont bien plus loin et nous menacent jusqu’en Suisse avec des cyberattaques notamment (hôpitaux, administrations), faut-il le rappeler? Sans compter les interférences dans les élections françaises ou américaines.

Il ne s’agit pas de dire aux Ukrainiens ce qu’ils doivent faire mais, au moins, s’ils décident de résister – et ils le font courageusement –, de les soutenir pour leur permettre, à la fin, de s’autodéterminer. L’Ukraine a le droit international pour elle et aucune paix juste et durable ne saurait se faire en dehors de ce droit international et sans les institutions multilatérales, en particulier l’ONU, seules à même de donner des garanties.

La faiblesse de ces organisations résulte d’ailleurs de la volonté de quelques pays de régler les problèmes à leur avantage par la force. Mais aussi parce que certains, au nom de la neutralité, ou pour d’autres raisons plus obscures, refusent de condamner l’invasion russe qui pourtant viole totalement le droit international. Ce droit n’est peut-être pas parfait, mais sans règles internationales reconnues par tous, c’est le chaos et le droit du plus fort qui règneront. Les petits pays comme la Suisse n’ont rien à y gagner et tout à perdre, neutres ou non.

Pierre-Alain Wassmer, Sociologue, Conches (GE).

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