Édito

Assange, ce marqueur de la démocratie

Assange, ce marqueur de la démocratie
Stella Moris-Assange s'est exprimée devant les médias au Club suisse de la presse, lundi à Genève. KEYSTONE
Julian Assange

Le risque d’une prochaine extradition de Julian Assange est plus élevé que jamais. Le 6 juin dernier, la Haute Cour du Royaume-Uni a rejeté un appel déposé par les défenseur·euses du fondateur de Wikileaks.

Une ultime voie de droit est encore ouverte au niveau national. En cas de nouveau rejet par les juges, ne resterait alors plus qu’une saisine de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

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Avec une inconnue: la justice britannique accordera-t-elle un effet suspensif, comme la jurisprudence semble l’indiquer, ou, en fidèle laquais des Etats-Unis, livrera-t-elle sans autre son encombrant prisonnier?

L’affaire est gravissime. Au-delà de son état de santé dégradé par des années d’enfermement et de harcèlement, Julian Assange n’aura pas droit à un procès équitable outre-Altantique. Qu’attendre des Etats-Unis qui ont même monté une opération pour l’assassiner au sein de l’ambassade équatorienne où il avait trouvé refuge pendant sept ans?

L’Espionnage Act, sous le coup duquel les juges du pays de l’Oncle Sam ont décidé de le poursuivre, date de 1917, il est rédigé en termes généraux et vagues. Tout·e journaliste pourrait être poursuivi. Les médias qui se sont alimentés à partir des documents diffusés par Wikileaks pourraient tout autant être inculpés pour avoir révélé toute une série de crimes, comme l’assassinat par l’armée étasunienne de deux journalistes de l’agence Reuters.

Initialement, Julian Assange risquait la peine de mort; désormais il ne risque «plus que» 175 ans de prison. Lundi, le Club suisse de la presse et la fondation Courage ont fort heureusement organisé une opération de communication en ouvrant le micro à Stella Moris-Assange, l’avocate mais aussi l’épouse du lanceur d’alerte. Ceci après une mobilisation similaire il y a une année.

Le monde des médias réalise, un peu tard sans doute, qu’au-delà du cas Assange, c’est bien de liberté de la presse, de démocratie et de droits humains dont il est question. Et quand il s’agit de défendre ces valeurs fondamentales, il importe de ne pas céder d’un pouce le terrain face à un ennemi – les Etats-Unis, pour le coup – qui se place volontiers en défenseur autoproclamé du monde libre mais qui ne se gêne pas pour piétiner ces valeurs fondamentales lorsque ses intérêts sont lésés.

Un rappel qu’il est bon de garder à l’esprit à l’heure où une logique binaire qui semble héritée de la guerre froide prédomine. Dans ce monde bipolaire, rappeler des fondements démocratiques est plus que jamais nécessaire lorsque les frontières entre les bons et les méchants se brouillent de manière inquiétante.

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