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L’envers de la loi sur le climat

Un avenir à désirer

Pas plus tard que dimanche dernier, la population suisse a été amenée à se prononcer sur la loi sur la protection du climat. Après le refus de la loi sur le CO2 en 2021, c’est le «oui» qui l’a emporté, avec une claire majorité, cette fois-ci. Nous pouvons légitimement nous demander si cette loi, qui fait office de contre-projet à l’initiative populaire pour les glaciers, correspond à une réelle amélioration des politiques climatiques en Suisse ou si elle ne contient pas plus d’aspects négatifs que positifs.

Commençons par ce que ladite loi contient de bien. Elle a clairement le mérite d’inscrire dans le marbre l’objectif de zéro émission nette en 2050. Cela permet d’avoir une boussole quant aux réductions nécessaires à réaliser dans ces prochaines années et ainsi d’infléchir l’activité des entreprises. Encore faudra-t-il que ces dernières se décident à suivre ce chemin. Or, il est à noter que rien ne les y oblige dans la loi. Dans les points positifs, la loi n’oublie pas non plus le secteur de la finance et précise que le Conseil fédéral peut conclure des conventions pour verdir les flux financiers suisses.

Ce contre-projet semble permettre d’avancer «gentiment» en matière d’objectif climatique, mais de nombreux points restent pour le moins insuffisants. En premier lieu, bien que la loi prévoie des soutiens financiers, cet argent est dirigé presque en intégralité vers les propriétaires et les entreprises. Le cas du remplacement des chauffages est marquant. Ce sont les propriétaires qui toucheront 200 millions de francs pour passer à un mode de chauffage plus durable. Un exemple qui montre que tout est fait pour éviter d’effrayer les propriétaires.

Même si les intentions de la loi semblent être bonnes, la réalisation des objectifs climatiques risque d’être compliquée. Encourager les entreprises à diminuer leurs émissions risque de ne pas suffire à atteindre le net zéro en 2050. En effet, les auteur·ices de la loi mettent l’accent sur l’absence d’obligation ou d’autres outils contraignants. Cette loi se base donc avant tout sur le bon vouloir des entreprises.
Finalement, elle espère une large extension de l’infrastructure pour les énergies renouvelables. Or cette dernière ne viendra pas sans impact.

En effet, l’absence d’énergie fossile combinée à une consommation constante correspond potentiellement à de grandes quantités de panneaux solaires, d’éoliennes, etc. Ce qui ne va pas sans emprise sur le paysage, ni sans demande accrue d’extraction de matières premières. Indirectement, la loi climat pose la question du prix que nous sommes prêt·es à payer pour pouvoir continuer à vivre dans une abondance matérielle et énergétique quasi totale.

Tout compte fait, cette loi semble donc très diluée et c’est peut-être ce qui lui a permis de passer la fameuse barrière des 50% de voix, marquant ainsi une victoire mitigée pour le mouvement écologique.

A présent, mettons-nous à rêver un instant et imaginons-nous la forme qu’une loi plus franche et plus conséquente aurait pu prendre. Une première chose à modifier serait de supprimer deux termes si souvent présents dans les textes officiels: «économiquement supportable». Il faut une fois pour toutes faire passer l’écologique et les besoins sociaux avant l’économie.

Cela n’est pas chose facile et nécessiterait probablement toute une coordination du système économique. Une commission de la planification pourrait être instaurée, avec le but d’organiser la réduction des émissions de CO2 en Suisse, émissions grises incluses. Dans ce cadre, une décroissance de l’économie ne serait pas improbable et une telle commission serait d’autant plus centrale pour aiguiller l’activité économique.

De plus, la socialisation d’entreprises clés serait aussi à envisager pour rendre l’économie plus résiliente. Dans ce contexte, une attention particulière à l’emploi et à la reconversion devrait aussi être de mise, afin de permettre aux travailleur·euses actif·ves dans des secteurs nuisibles pour le climat de garder une activité rémunératrice ou une entrée financière.

Nous n’en sommes malheureusement pas encore à ce stade en matière d’économie écologique et la question de quoi faire après cette loi persiste.

Une chose est sûre, la votation du 18 juin ne signe aucun aboutissement pour le mouvement écologique, mais marque plutôt une continuation de la lutte. En effet, le compte n’y est pas du tout et la bataille des idées continue. Convaincre de la nécessité d’une économie intégralement écologique reste une urgence.

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mardi 19 avril 2022

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