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Genève en proie à l’insécurité routière

Dans une lettre ouverte à Carole-Anne Kast, Gilbert Badaf interpelle la conseillère d’Etat genevoise en charge de la sécurité à propos de la «délinquance routière» qu’il constate sur l’ensemble du canton.
Mobilité

Tout d’abord permettez-moi, en tant qu’Onésien, de vous féliciter de votre prise de fonction au sein du Conseil d’Etat. Nous sommes ravis qu’une élue de notre commune accède à une fonction aussi prestigieuse. En tant que magistrate à Onex vous avez été sans doute informée de la problématique de la délinquance routière qui sévit sur nos routes: habitant le 182 rte du Grand-Lancy, nous sommes exposés depuis toujours à de graves dangers lorsque nous sortons et entrons chez nous du fait des chauffards qui empruntent cette route à vive allure.

En outre, depuis quelque temps dans tout le canton, on nous rejoue Fast and Furious dans ses déclinaisons les plus stupides, au détriment de la sécurité des autres usagers et du climat non seulement urbain, mais aussi psychologique. Les excès de vitesse, le bruit excessif, le non-respect des pistes cyclables et des espaces réservés sont devenus monnaie courante.

Il y a à présent un effet de mode autour de véhicules agressifs et bruyants en plus des traditionnels fous du volant et du guidon. Les publicités pour véhicules hargneux avec facilités de paiement, fleurissent en outre sur nos murs. La majorité des usagers respectueux des conventions routières et de la bienséance éprouvent un sentiment d’insécurité et aussi de désarroi face à ces incivilités qui font l’objet d’une indulgence ou impuissance incompréhensibles de la part des autorités.

Le travail de prévention en amont n’a visiblement pas porté ses fruits puisque ces chevaliers de la route arborent des tenues inadaptées à la conduite et aux risques de puissants deux roues motorisés: shorts, tongs, débardeurs, casques ouverts pour mieux s’interpeller en roulant, avec même des écouteurs intégrés. En outre leurs échappements sont souvent trafiqués pour faire encore plus de bruit.

Le souci de la préservation du climat et de la tranquillité des autres notamment à l’approche des canicules estivales ne paraît ainsi pas être réellement au centre de leurs préoccupations. (Vendredi dernier à midi au quai des Bergues une énorme voiture de sport vrombissait de manière assourdissante pendant un quart d’heure en parcourant les rues avoisinantes au pas). Il est clair que les sanctionner sévèrement en installant notamment des radars de vitesse et de bruit n’est pas la meilleure solution, mais le sentiment d’impunité ne fait qu’accentuer ces comportements absurdes: le nombre de ces jeunes motards accidentés est en outre effarant.

Quand on considère les efforts du canton pour favoriser la mobilité douce, il est consternant de voir qu’une partie de ces mesures est réduite à néant par les comportements archaïques d’usagers, majoritairement masculins, qui, comme dans un western, considèrent que la route est leur terrain de jeu et d’affirmation de leur toute-puissance.

Genève, au contraire d’autres grandes villes Suisses (qui, du reste, ont réussi à évacuer les voitures des centres-villes) est en train de ressembler à New Delhi avec ses grappes de scooters et de motos aux feux rouges qui démarrent comme aux 24 Heures du Mans pour recommencer 60 mètres plus loin, ce qui rend la vie impossible aux catégories les plus vulnérables de la population, aînés, enfants, parents avec poussettes. Pas plus tard qu’hier un de ces scootéristes décérébrés m’a foncé dessus sans ralentir alors que je traversais la route, sur un passage à piétons, avec une fillette. Du reste, ce genre de conduite aux abords des passages à piétons est des plus fréquents.

Je me suis souvent adressé à la police municipale d’Onex et à la police cantonale qui n’ont fait que me confirmer leur impuissance. Je m’en suis également ouvert aux associations comme l’ATE et ProVélo qui ne peuvent que constater la gravité de la situation. En tant que cycliste qui véhicule souvent ses petits-enfants à vélo, je suis extrêmement préoccupé par cette situation de dangerosité et de laisser-faire, là où il devrait régner un climat de paix et d’entente.

A l’heure où il est gravement question du climat et de la qualité de vie dans nos villes, pourquoi les laisser ainsi se dégrader au nom de valeurs, principalement machistes, que l’on aimerait voir enfin dépassées? Les manifestations du 14 juin étaient pourtant là pour nous le rappeler.

Opinions Gilbert Badaf, Mobilité Genève Circulation

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