Édito

Mieux vaut faire envie que pitié

Mieux vaut faire envie que pitié
Genève, mercredi, sur le pont du Mont-Blanc. MARIA MOSCHOU
14 juin

Une marée violette a, cette année aussi, submergé les villes suisses mercredi. La grève féministe a peut-être réuni un nombre un peu moindre qu’en 2019 mais la combativité des manifestantes (et quelques manifestants) a compensé ce léger recul. C’est une belle énergie qui s’est déployée: slogans inventifs, revendications musclées et joie communicative d’être ensemble. Un public à la fois intergénérationnel – certaines vétéranes ont même retrouvé dans leur galetas le t-shirt fuchsia de la première grève des femmes de 1991. Et une jeunesse en masse, déterminée et joyeuse, qui a, par exemple, occupé le pont du Mont-Blanc à Genève au son des sound system donnant un petit air de Street parade au cortège. Et ne parlons même pas de la marée d’équinoxe violette à Lausanne.

La colère face aux discriminations de genre, salariales ou contre les violences sexistes est là et bien là. Ce que la droite politique a bien anticipé. Elle qui a publié mardi sous le cornacage de l’Union patronale suisse et de la très néolibérale université de Saint-Gall une étude insinuant que dans nombre d’entreprises, les discriminations salariales appartiendraient au passé. En gros, circulez, il n’y a rien à voir. C’est que le bloc conservateur a senti le danger et réagit avec une tactique plus intelligente qu’une attaque frontale, comme lors de la première grève des femmes où les dénigrements contre une des organisatrices –Christiane Brunner– avaient pris une tournure répugnante, bloquant son entrée au Conseil fédéral.

Visiblement, quelques conseils amicaux ont été diffusés ces derniers jours dans les partis bourgeois pour inviter les politiciennes de ce bord à une prudence certaine. Les élues présentes sur le terrain étaient presque entièrement issues des partis de gauche. Un peu regrettable: la vague féministe a aussi contribué à faire avancer la carrière d’élues de droite. Une fronde face à ces pressions amicales aurait été la bienvenue.

Mais cette réaction du bloc bourgeois est bien sûr explicable. La lutte pour l’égalité est éminemment politique et progressiste. La liberté et l’égalité en droit, indépendamment du genre ou des origines, est un fondement de la démocratie et du progrès social. Les rouages des rapports de production capitalistes sont grippés, par la crise climatique notamment. Il va falloir réinventer des nouveaux rapports sociaux sur une base égalitaire. La crispation de la droite patronale est une manifestation de peur face à un vieux monde qui s’écroule. Le nouveau qui va en émerger et qui s’est manifesté hier incitait plutôt à l’optimisme. Il était joyeux et coloré. Il faisait envie alors que le repli de la bureaucratie libérale fait plutôt pitié.

Opinions Édito Philippe Bach 14 juin Grève féministe

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