Logement, rentabilité-qualité, qui décide quoi?
La presse s’est fait l’écho à plusieurs reprises récemment d’études, de l’EPFL notamment, préconisant une diminution de la taille des logements construits en Suisse pour réduire leur impact environnemental. Quelques mètres carrés en moins de surface de plancher globale (non pas une nouvelle répartition entre parties privatives et surfaces partagées) pour quelques kilogrammes de CO2 en moins. Surprenantes propositions à l’heure où la bureautique et l’informatique ont permis d’ajouter des fonctions à l’habitat, celles de lieu de tâches administratives privées (e-banking, etc.) ou publiques (e-administration), et partiellement de lieu de travail. Les rêves d’optimisation de la «machine à habiter» comme ceux de la «ville intelligente» ont la cote; canaliser les flux, normaliser les comportements, même combat.
La ville intelligente oblige à un recensement et à une analyse des déplacements individuels, des flux, à quantifier les usages, la fréquentation des lieux publics et privés et leur régulation technique et complexe par des dispositifs incitatifs ou contraignants (abonnements, péages, etc.). Le logement optimisé oblige de même à une normalisation théorique, puis effective, des usages de l’habitation et à une automatisation des fonctions (chauffage, éclairage, accès…). Va-t-on recalculer pour la xième fois, et à la baisse, la surface nécessaire pour une table à manger, un canapé, deux fauteuil et une télévision, les marges autour d’un lit, sa largeur, ou laissera-t-on les architectes se débrouiller avec comme consigne: moins 10% de m²?
Sans refuser la recherche d’une rationalité économique de l’habitat, on peut s’inquiéter de ses conséquences quand elle devient le seul critère de choix et prend la place d’aspirations individuelles et collectives qui font la vie démocratique d’une société qui évolue.
Plutôt qu’à réguler les comportements des habitant·es des logements construits, on pourrait penser à réguler l’économie de la production de ces logements avec d’autres bénéfices pour l’environnement. La situation géographique des logements engendre, ou non, des quantités énormes de déplacement de personnes, objets d’ingénieries complexes et de casse-têtes pour les responsables des infrastructures de transport. Il faut dès lors renoncer à la fatalité du marché qui construit sur des terrains déclassés à bon marché mais à longue distance des bureaux et lieux d’activités bâtis, eux, dans les centres-villes, organise la pénurie, et en fait payer le prix aux travailleur·euses et contribuables, et les conséquences à l’environnement.
Les locataires qui sont, en fait, par leurs loyers, les principaux financeurs de ces logements, devraient, avec leurs associations, avoir pouvoir de décision sur leur conception et leur planification. Gageons qu’ils et elles seraient partisan·es d’une régulation du prix du foncier et d’une grande souplesse, de générosité et de liberté dans la conception des logements.