Édito

Deux poids, deux mesures

Deux poids, deux mesures
Plácido Domingo est persona non grata dans certaines salles. KEYSTONE/ARCHIVES
Culture

Selon que l’on se nomme Plácido Domingo ou Marc Rudin, son œuvre artistique n’est pas accueillie de la même manière par la Ville de Genève. Le premier est un chanteur lyrique mondialement reconnu qui a marqué son époque de son talent avant de se faire rattraper par des accusations d’agressions sexuelles par de nombreuses femmes. S’il n’y a eu ni plainte ni condamnation, des enquêtes ont conclu à des comportements inappropriés et les témoignages apportés ont été jugés crédibles. Marc Rudin, décédé en avril dernier, a marqué de ses affiches et de son implication la résistance palestinienne, aux côtés du Front populaire de libération de la Palestine. Il a été accusé d’avoir participé à un braquage avec mort d’homme au Danemark et condamné. 

Il y a deux semaines, l’exposition des affiches de Marc Rudin à l’Almacen, une salle de la Ville gérée par une association, a été annulée à la dernière minute, le Conseil administratif ayant été interpellé par une association juive européenne. La Municipalité avait alors invoqué le «caractère sensible de la question et de l’exposition du travail d’un personnage très conversé», arguant de la nécessité de «clarifier les intentions de ces associations».

S’agissant de Plácido Domingo, dont les accusations ont été jugées crédibles par des enquêtes aux Etats-Unis et qui est persona non grata dans certaines salles, la même municipalité explique ne pouvoir casser un contrat de location sur la base de «rumeurs et de témoignages».

A quelques semaines d’intervalle, pareil hiatus interpelle. La Ville de Genève, prompte à se prononcer et à dénoncer les exactions commises dans le cadre de conflits ou dans des pays totalitaires, semble manquer de boussole quand il s’agit de se prononcer sur la tenue ou non d’un événement lié à une personnalité controversée.

Il ne s’agit pas ici d’appeler à annuler systématiquement toute représentation «à risque», mais en 2023, la Ville de Genève devrait pour le moins réfléchir à se doter de règles claires qui tiennent compte de réalités sociétales désormais connues. Se cacher derrière la non condamnation de Plácido Domingo quand on sait les difficultés des victimes à dénoncer les agissements d’agresseurs puissants est un peu court lorsqu’en face, on annule l’exposition d’affiches pour des raisons obscures. Il y a là une politique du deux poids deux mesures qui ne peut que légitimement prêter le flanc à la critique.

Cette réflexion est d’autant plus urgente que les scandales liés à des personnalités ne vont pas cesser du jour au lendemain. Les polémiques sur leur venue dans des salles publiques non plus.

Opinions Édito Maria Pineiro Culture

Autour de l'article

Connexion