Édito

Réforme de l’OCDE: le dilemme

Réforme de l’OCDE: le dilemme
La Suisse se prononcera le 18 juin sur l’application de l’imposition des multinationales à un taux minimum de 15%. KEYSTONE/Anthony Anex
Votation

La Suisse se prononcera le 18 juin sur l’application de l’imposition des multinationales à un taux minimum de 15%. Quel que soit le résultat dans les urnes, c’est ce taux imposé par l’OCDE, Organisation de coopération et de développement économiques, qui sera appliqué. Si elle n’est pas prête à temps, la Suisse n’en bénéficiera simplement pas. Les entreprises seraient alors imposées là où elles réalisent vraiment leurs bénéfices.

Il ne faut pas oublier cet aspect: la faible imposition qui prévaut en Suisse – le taux de 15% demeurant bien en dessous de la moyenne de l’OCDE – a pour conséquence, via des transferts de bénéfices, d’appauvrir les pays où ceux-ci sont réellement réalisés. L’organisation faîtière Alliance Sud a rappelé que, chaque année, plus de 100 milliards de dollars sont transférés chaque année en Suisse.

La gauche se tortille, coincée dans un dilemme: faut-il dire oui pour donner un signal clair en faveur d’une augmentation de l’imposition des entreprises, longtemps réclamée? Quitte à chanter à l’unisson avec la droite, UDC comprise, qui appelle à conserver en Suisse les recettes fiscales des entreprises? Ou faut-il dire non, pour éviter que l’impôt complémentaire bénéficie majoritairement aux cantons les plus agressifs en matière de dumping fiscal?

Aucun doute n’est possible sur ce point: les recettes supplémentaires, estimées entre 1 et 2,5 milliards de francs, serviront à renforcer la désastreuse concurrence fiscale intercantonale. Les cantons qui en profiteront le plus, Zoug et Bâle-Ville en tête, offriront aux entreprises et à leurs dirigeant·es des conditions alléchantes… qui se voudront meilleures que celles des cantons voisins. Il est à parier que Vaud et Genève se lanceront à nouveau dans la course à qui attirera le plus de multinationales.

Les partisan·es du non, le Parti socialiste en tête, veulent revoir la répartition de l’impôt complémentaire décidée par la majorité de droite du parlement, soit 75% pour les cantons, 25% pour la Confédération. Si une plus grande partie atterrit dans les caisses fédérales, cela servirait selon eux davantage à la population. L’argument est plutôt faible. La Confédération délie plus facilement les cordons de la bourse pour l’armée et le sauvetage des banques que pour l’AVS.

Et il semble vain. En cas de répartition en faveur de la Confédération, les cantons concernés n’hésiteront pas à monter eux-mêmes leur taux d’imposition à 15% pour éviter l’impôt complémentaire. Neuchâtel a déjà franchi le pas en instaurant un impôt progressif.

Quoi qu’il ressorte des urnes le 18 juin, les multinationales ne pourront plus bénéficier d’un taux d’imposition en dessous de 15% et c’est une bonne nouvelle. Mais ce n’est qu’un petit pas et la lutte doit continuer. Pour éviter que les entreprises puissent contourner le taux d’imposition avec des instruments fiscaux. Et pour que la Suisse cesse de spolier d’autres pays en rapatriant des bénéfices engrangés ailleurs.

Opinions Édito Sophie Dupont Votation

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