Édito

Don d’organes, un pas essentiel

Don d’organe, un pas essentiel
La Suisse est en retard dans le don d’organes. Avec un taux de 18 dons par million d’habitant·es, elle fait partie des pays européens les plus réticents. KEYSTONE/ PHOTO D'ILLUSTRATION
Votation

La votation sur le don d’organes oblige chacun·e à se confronter à sa propre mort, dans une société qui a tendance à l’invisibiliser. En cas de oui le 15 mai, nous passerons du principe du refus présumé (pas de prélèvement d’organe sans consentement explicite) à celui du consentement présumé (seul un refus explicite empêche le prélèvement), un véritable changement de paradigme. Les proches auront toutefois toujours leur mot à dire. En l’absence de déclaration de la personne concernée, un organe ne pourra pas être prélevé s’ils s’y opposent. Autre nouveauté, la loi prévoit que la Confédération mette en place son propre registre, dans lequel chacun·e aura la possibilité de consigner sa volonté.

Ces garde-fous permettent de respecter le libre choix tout en poursuivant l’objectif principal de la transplantation: sauver des vies. La Suisse n’a pas suffisamment de donneurs et donneuses d’organes pour répondre aux besoins. En 2021, septante-deux personnes inscrites sur liste d’attente pour recevoir un organe sont décédées. Plus de 1400 malades attendent, dans l’incertitude, d’être transplanté·es. Parmi ces patient·es, la moitié pourrait être opéré·e immédiatement si un organe était accessible.

Chaque vie sauvée compte. Il est temps que la loi donne la priorité à la solidarité. Alors qu’elle bénéfice de l’un des meilleurs systèmes de santé au monde, la Suisse est en retard dans le don d’organes. Avec un taux de 18 dons par million d’habitant·es, elle fait partie des pays européens les plus réticents. Les rares pays qui ne sont pas passés au consentement présumé – Allemagne, Danemark, Lituanie et Suisse – ont tous pour point commun un taux bas de dons (entre 11 et 19 dons par million d’habitant·es, contre 49 en Espagne et 33 en France où la règle est le consentement présumé).

Le changement de loi proposé ne suffira pas à lui seul à inverser la tendance. Il devra être accompagné de mesures efficaces. L’organisation hospitalière doit être adaptée, le personnel suffisamment formé. Pour la transplantation d’organes, chaque heure compte, dès que la mort cérébrale est déclarée. Il est également important de soigner l’accompagnement des proches dans cette étape difficile. Leurs préoccupations ne doivent pas être minimisées. Pour éviter qu’ils portent comme aujourd’hui le poids d’une décision très émotionnelle, il serait bienvenu que les autorités incitent la population à consigner ses choix dans le registre national prévu et qu’il offre toutes les garanties en termes de protection des données. Le public doit aussi être mieux informé de ce que signifie la mort cérébrale, cet état si particulier où une assistance respiratoire peut continuer de maintenir artificiellement certaines fonctions du corps alors que le cerveau ne répond définitivement plus. La campagne d’information promise par Alain Berset en cas de oui devra avoir le courage de briser les tabous autour de la mort. Le consentement présumé n’est qu’une étape, essentielle pour sauver des vies.

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