On nous écrit

Cologny et les sans-abri

Giuliana Canonica rappelle que les valeurs humaines sont notre seule et véritable richesse.
Société

Au cours d’une discussion informelle un habitant aisé, cultivé, croyant et pratiquant de Cologny à qui j’expliquais mon travail de psychiatre au sein du centre Appartenances à Genève, auprès de patients issus de la migration, dont des requérants d’asile, me répondait, sincèrement ahuri, «mais comment, ils ont besoin de soins?» Sous-entendu: en plus d’être logés et nourris? Ajoutant, un peu honteux: «Tu sais, à Cologny on vit un peu dans notre bulle.»

Oui. Une bulle d’une autre appartenance, celle-ci, sans le «s» final de la diversité qui signe l’enrichissement humain et non économique, un autre type de mondialisation moins à la mode. L’enfermement entre soi, l’illusion que le statut de nantis induit une supériorité méritée – grâce au travail ou l’héritage ou la classe sociale – et rend quasi impossible l’identification à ceux qui ne possèdent pas ces valeurs, peu importe pour quelle raison.

Voire, cette différence est indispensable pour se maintenir dans ce rôle de suprématie. La générosité, ici, se traduit par une sorte de soupe populaire, sous forme de dons ponctuels, geste vertical qui relève du prolongement de la hiérarchie de celui qui a en faveur du démuni – pourvu qu’il reste à sa place. Faut-il penser que tout cela repose sur une fragilité identitaire qu’il s’agit de défendre coûte que coûte aux dépens des valeurs humaines qui sont notre seule et véritable richesse?

Pourtant en remontant de près ou de loin dans notre généalogie, nous sommes tous venus d’ailleurs. Finalement nos sommes tous issus d’un peuple de cueilleurs-chasseurs.

Giuliana Canonica,
Cologny (GE)

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