Dépénalisons l’avortement
L’avortement n’a rien à faire dans le Code pénal, car ce n’est pas un crime. C’est bien ce que signifie l’initiative «Pour que l’avortement soit d’abord considéré comme une question de santé et non plus une affaire pénale». Déposée le 2 juin 2022 par Léonore Porchet, conseillère nationale pour les Verts et présidente de Santé sexuelle Suisse, l’initiative vient d’être rejetée de justesse par le Conseil national, majoritairement masculin et conservateur, confirmant l’avis dénigrant des droits des femmes de sa commission juridique, très majoritairement masculine et conservatrice.
Le Code pénal sanctionne les crimes, délits et infractions et repose sur les principes de culpabilité et légalité, selon le Dictionnaire historique de la Suisse. En Suisse, l’intégration de l’avortement dans le Code pénal est un héritage de la période napoléonienne. L’article 118 du Code pénal suisse – bien que modifié en 2002 avec le régime du délai et complété par l’art. 119 – date de 1942 et se base sur l’article 317 du Code pénal français de 1810 qui a largement inspiré la rédaction des Codes pénaux cantonaux (adopté en 1874 à Genève), puis du code pénal fédéral. Contrairement à la France, qui a sorti l’avortement du Code pénal en 1974 avec la loi Veil, ou l’Italie qui, en 1978, a adopté la «Legge 22 maggio» et abrogé l’article 545 du Code pénal, la Suisse continue à légiférer sur l’avortement comme si c’était un crime, ignorant les indications de l’Organisation mondiale de la santé qui recommande une dépénalisation totale de l’avortement, c’est-à-dire son retrait de toutes les lois pénales ou criminelles.
La Suisse ne peut rester en marge du progrès social. L’initiative de Léonore Porchet, en contextualisant le droit à l’avortement dans une loi de santé publique, préserve la dignité des femmes. En la rejetant, le Conseil national suisse retarde le progrès social qui passe avant tout par l’égalité entre les sexes.
Auria Miot, fondatrice du Cercle de parole IVG Genève