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Un lobbying indécent

Sophie Coulet souhaite voir la consommation de sucre encadrée et limitée.
Législation

Quand un produit comme le sucre est à ce point addictif, la liberté du consommateur est-elle un argument recevable pour refuser d’encadrer l’offre? C’est pourtant celui avancé par une large majorité de nos conseillers nationaux pour justifier le refus des deux initiatives visant, pour l’une, à encadrer cette substance présente dans la plupart de nos boissons et aliments transformés; et, pour l’autre, à mieux informer les consommateurs de sa présence. Pourtant est-on libre de ses choix quand une substance crée une réelle addiction? D’autant plus quand elle touche à ce point les jeunes?

C’est à croire que nos dirigeants sont nombreux à s’inspirer des scientifiques pour leurs discours, mais, quand il s’agit de prendre des décisions, les milieux économiques trouvent auprès d’eux une oreille beaucoup plus attentive. Or ne pas encadrer un produit qui rend les consommateurs malades à la dose à laquelle beaucoup le consomment (obésité, diabète, maladies cardiovasculaires), c’est accepter que des bénéfices puissent se faire aux dépens de la santé d’autrui. C’est un bien mauvais calcul qui soulève, me semble-t-il, un vrai problème éthique.

Lorsqu’un produit doit être évité, il ne faut pas continuer à le subventionner, mais bien aider les acteurs locaux de la filière à réduire ou réorienter leur activité; et les salariés à se former, afin de produire ce dont la société a vraiment besoin. En une phrase, il faut les accompagner dans la transition plutôt que persévérer dans la mauvaise direction. A vouloir systématiquement ne rien changer pour ne pas «fragiliser» la sphère économique, on est bien parti… pour que rien ne change, même ce qui nous rend malade. Or il n’est pas question, ici, de supprimer le plaisir, mais simplement d’informer et de limiter les risques liés aux excès induits par l’accoutumance.

En attendant, une question me turlupine: n’y a-t-il pas quelque chose qui cloche sous la coupole quand en plein débat sur le sucre, Coca Cola invite le 15 mars des élus au restaurant pour un «évènement des délices»? On nage dans l’indécence, le lobbying n’a-t-il pas de limites?

Sophie Coulet, Genève

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