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In memoriam Gilbert Rist

Connu pour son analyse critique de l’histoire du développement, le sociologue genevois et professeur émérite Gilbert Rist est décédé à 85 ans. Jean Ziegler salue la mémoire de son confrère académique.
In memoriam Gilbert Rist
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Carnet noir

Professeur émérite de l’Institut des hautes études internationales et du développement de Genève, Gilbert Rist, qui vient de mourir à 85 ans, est une des figures les plus influentes, les plus attachantes de notre communauté universitaire. Il incarne d’une façon presque parfaite l’intellectuel organique au service des mouvements sociaux, tel que l’évoque Jean-Paul Sartre. Pour lui, «il n’y a pas un monde développé et un monde sous-développé, mais un seul monde maldéveloppé».

1961: création à Genève, sous la forme d’une fondation publique, de l’Institut africain; 1973: l’Institut africain devient l’Institut universitaire du développement; 2007: il fusionne avec l’Institut des hautes études internationales. Ensemble, avec Pierre Bungener, Gilbert Rist a fait de l’Institut un foyer de formation, d’accueil, de discussions passionnantes pour les militants et militantes des nouveaux pays nés de l’émancipation des peuples du tiers monde, notamment des pays d’Afrique.

A tout être humain qui cherchait son conseil, Gilbert accordait une attention exigeante qui, probablement, lui venait de sa foi chrétienne. Gilbert témoignait d’une grande force de travail et d’une joie de vivre éclatante. En plus de ses cours à l’Institut, il participait intensément aux recherches et à l’enseignement de l’Université des Nations unies et du Centre Europe – tiers monde (CETIM).

Ses grands livres les plus récents, traduits en de nombreuses langues, notamment L’Economie ordinaire entre songes et mensonges (2010), Le Développement. Histoire d’une croyance occidentale (1996, 4e édition revue et augmentée 2013) et La tragédie de la croissance. Sortir de l’impasse (2018), animent le débat international et nourriront encore l’engagement et la pensée de générations d’étudiantes et d’étudiants.

La croissance infinie dans un monde fini (une planète finie!) est impossible. Pourtant, les dirigeants du monde nient cette évidence. Pour deux raisons principales: l’anthropocentrisme radical qui caractérise nos sociétés et postule la domination et l’exploitation de la Nature par l’Homme; le fait d’avoir érigé le marché en principe unique de l’organisation sociale. Pour éviter la catastrophe, Gilbert Rist demande de restaurer la notion de bien public, de réhabiliter celle de réciprocité et de renouer le dialogue avec la Nature.
Christiane, l’épouse de Gilbert, a joué, dans la naissance de son œuvre, un rôle essentiel. A elle, à leurs enfants et petits-enfants, j’exprime ma sympathie respectueuse, ma gratitude et mon affection profonde.

Opinions Agora Jean Ziegler Carnet noir

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