Édito

Une justice semée d’embûches

Cette justice qui traine les pieds
KEYSTONE
Droit d'asile

Enquête bâclée, instruction incomplète, témoins ignorés. Dans le pays des Conventions de Genève, l’accès à la justice est semé d’embûches pour les requérant·es d’asile. En Suisse, plusieurs plaintes déposées contre des agents de sécurité pour violence s’embourbent. La justice traîne les pieds.

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En 2020, Le Courrier relayait les témoignages de quatre demandeurs d’asile victimes de violences au centre de Chevrilles (FR). Depuis, trois des quatre plaignants ont quitté la Suisse, leur demande d’asile a été refusée. Lors de l’audience, le juge a renvoyé l’affaire au ministère public. Le b.a.-ba de l’instruction n’avait pas été respecté, les personnes concernées n’ayant pas pu être entendues.

Quand, par chance, les personnes concernées obtiennent une protection, elles renoncent souvent à maintenir leurs plaintes par peur de représailles. Les agents de sécurité, mandatés par la Confédération, sont considérés comme des fonctionnaires. Une autorisation spéciale doit être délivrée par Berne pour qu’ils soient poursuivis. Et ce sont eux qui rédigent les rapports qui relatent les altercations. Dans ce contexte, le récit des plaignant·es pèse très peu.

Pourtant à Bâle, un requérant d’asile originaire d’Afrique du Nord, qui souffre encore aujourd’hui des blessures qu’il a subies au centre d’asile en 2020, a tenu bon. Après de long mois d’attente, la Cour d’appel de Bâle-Ville a reconnu que l’enquête du ministère public avait trop tardé. L’instruction semble entachée de nombreuses irrégularités. L’instance de poursuite pénale est restée inactive durant au moins huit mois. Deux ans après les faits, ni l’ensemble des rapports de police ni les vidéos d’enregistrement du centre d’asile n’auraient été consultés. Les auteurs n’ont toujours pas été identifiés.

Ce délai pose question. Les autorités tentent-elles de se débarrasser d’affaires encombrantes par attentisme? Il faut espérer que cette décision exceptionnelle fasse bouger les lignes. Chacun·e a droit au respect de ses droits, peu importe son statut légal.

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