Édito

Sanremo, le dire en chantant

Sanremo, le dire en chantant
Le chanteur italien Marco Mengoni lors du Festival de la chanson italienne de Sanremo, en Italie, le 11 février 2023. KEYSTONE
Musique

«Lasciatemi cantare» suppliait Toto Cutugno sur la scène du théâtre Ariston de Sanremo en 1983. Un cri rauque qui allait conquérir une partie du monde, avec une chanson d’Italian Pride rendant hommage aux émigré·es transalpin·es. Pas certain que «Due Vite» de Marco Mengoni, paroles bateau et crescendo pop convenu, ait le même destin international, mais qu’importe: la finale de Sanremo, que le chanteur a remporté samedi soir, a battu des records d’audience, avec des pointes à plus de 70% de parts pour Rai 1. Le même soir, sur France 2, les Victoires de la musique françaises se faisaient très largement dépasser par un téléfilm policier sur France 3. En rediffusion.

Créé en 1951, le concours de variété ligure est un rendez-vous traditionnellement ultra populaire. Et pas seulement pour ses chansons, qui ont vu éclore une poignée d’autres tubes internationaux comme «Nel blu dipinto di blu (Volare)» ou «Sarà perché ti amo». Car encore davantage que le polar de France 3, Sanremo sait générer le suspense, qui plus est sur plusieurs jours. De droite ou de gauche, les médias ne parlent que de ça, applaudissent, s’offusquent, aussi parce qu’une myriade de scandales plus ou moins orchestrés ponctuent le festival. A l’image du baiser aussi passionné que prétendument spontané donné sur scène par le chanteur fluide Rosa Chemical au rappeur Fedez, samedi soir.

Bien entendu, durant cette 73e édition, la récente arrivée de l’extrême droite à la tête de l’Italie a inspiré de nombreuses piques et saillies acérées, de l’hommage à la dimension antifasciste de la Constitution italienne par le comique Roberto Benigni aux critiques de Fedez à l’encontre d’un membre du gouvernement de Giorgia Meloni photographié avec un brassard SS, en passant par le discours féministe de l’influenceuse Chiara Ferragni, co-animatrice du festival (et compagne de Fedez). Quant à la volleyeuse Paola Egonu, aux parents d’origine nigériane et qui a fait un coming out lesbien, elle a dit à Sanremo que «oui, l’Italie est un pays raciste».

Progressiste, le festival? Jusqu’à un certain point: derrière Marco Mengoni, il faut descendre à la sixième place du classement pour trouver la première femme – elle s’appelle Giorgia mais c’est un hasard. Le gouvernement, qui testait hier sa popularité aux élections régionales en Lombardie et dans le Lazio – les résultats tomberont lundi soir –, n’en semble pas moins déterminé à s’en prendre à l’appareil Rai, un audiovisuel public jugé trop à gauche. «Il est juste de changer le récit du pays», souligne le sous-secrétaire à la Culture Gianmarco Mazzi (Fratelli d’Italia). On croit hélas connaître la chanson.

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