Édito

Ne les laissons pas passer

Ils ne doivent pas passer
Des milliers de supporters de l'ex-président brésilien Jair Bolsonaro ont pris d'assaut le bâtiment du Congrès le 8 janvier à Brasilia, KEYSTONE
Brésil

Un remake de la prise du Capitole en janvier 2021 par les partisan·es de Donald Trump. Dimanche, des milliers de bolsonaristes ont envahi le Palais présidentiel brésilien, le Congrès et la Cour suprême. Des scènes de vandalisme, voire de saccage, ont eu lieu dans ce haut lieu architectural imaginé par Oscar Niemeyer. Il a fallu plusieurs heures aux forces de l’ordre pour reprendre le contrôle de la situation.

Le président sortant, Jair Bolsonaro, a été fidèle à lui-même, condamnant du bout des lèvres l’action antidémocratique de ses supporters et en en faisant, dans la foulée, reposer la responsabilité sur le président Lula. Le tout depuis la Floride où il se terre, en compagnie au moment des événements du chef de la police du district de Brasilia.

Une tentative de putsch ou du moins d’insurrection factieuse mobilisant deux mamelles du populisme d’extrême droite: la religion – «Au nom de Jésus, la guerre a commencé», selon un des slogans – et le foot, le maillot de l’équipe national servant d’uniforme aux insurgés. Et mettant en lumière une démocratie profondément ébranlée. Cela s’inscrit dans une continuité: l’embastillement en 2018 de Luiz Inacio Lula da Silva, depuis réélu président, et la destitution de Dilma Roussef se sont déroulés dans un climat institutionnel délabré.

Les événements de dimanche en découlent. Il serait erroné d’y voir une simple éruption populiste. C’est bien à une dérive fascisante que l’on assiste. Et qui n’est pas réservée au Brésil. La prise du Capitole l’a montré. De fait, le camp républicain aux Etats-Unis était aux abonnés absents lundi, ses ténors ne se sont pas exprimés. Un mutisme révélateur et qui montre que la dérive antidémocratique du camp conservateur est largement partagée, au-delà des frontières.

Il n’est pas exagéré de parler de résurgence fasciste1>On lira avec profit le dernier essai du sociologue Ugo Palheta, spécialiste du fascisme, La nouvelle internationale fasciste, 2022, éditions Textuel.. L’extrême droite a historiquement oscillé entre deux tendances antagonistes: elle se nourrit à la fois des colères populaires, notamment celles alimentées par le démantèlement des acquis sociaux sous les coups de boutoir de la révolution néolibérale aujourd’hui, de la crise de 1929 hier, tout en se proclamant le héraut d’une restauration nationale de la loi et de l’ordre à même de contenter le patronat.

Face à cette remontée de tendances antidémocratiques, il appartiendra de tenir bon. On peut déplorer le ton timoré d’un Joe Biden qui a condamné l’insurrection mais n’a pas rappelé Jair Bolsonaro à l’ordre, voire n’a pas à tolérer la présence du symbole factieux sur le territoire étasunien. Prudence et volonté de ne pas s’ériger en donneur de leçons après la prise du Capitole? Peut-être. Mais face au danger, l’heure n’est précisément pas aux atermoiements mais à l’affirmation pleine et entière des valeurs fondamentales de la démocratie.

Notes[+]

Opinions Édito Philippe Bach Brésil

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