Un départ sur les chapeaux de roues
Une annonce qui a surpris jusque dans son parti. Simonetta Sommaruga a annoncé ce mercredi son départ du Conseil fédéral. Des raisons privées – son mari se remet d’un AVC – explique cette décision abrupte mais évidemment légitime.
La socialiste aura passé douze ans dans l’exécutif fédéral. Qu’en dire à l’heure du bilan. Sans doute que la métaphore du verre à moitié vide ou à moitié plein peut se révéler pertinente. Côté négatif, dans sa première incarnation à la tête du Département de justice et police, la successeure de Moritz Leuenberger a été conforme à ce que l’on pouvait craindre d’une élue issue de l’aile «sociale libérale». De la droite donc, du Parti socialiste, elle était notamment l’une des inspiratrices en 2001 du Manifeste du Gurten.
Un alignement sur une vision libérale de l’économie, dans la droite ligne d’un Tony Blair ou d’un Gerhardt Schroeder qui a certes permis de gagner quelques élections en Europe mais a provoqué un discrédit de la social-démocratie dans de nombreux pays, le cas le plus patent étant la France.
Au pouvoir, elle a notamment mis en œuvre une politique d’asile en décalage – pour employer un euphémisme – avec les valeurs de la gauche. Sa loi sur l’asile – adoptée par 67% des votant•es en 2016 – s’inscrit dans une vision technocratique d’efficience, bien plus que d’humanisme de gauche.
Côté verre à moitié plein, constatons que la conseillère fédérale s’est ensuite révélée, à partir de 2019, davantage à son aise dans le Département de l’environnement, de l’énergie, des transports et de la communication. Elle a certes perdu la Loi sur le CO2 en 2021, mais elle a su, dans la foulée, revenir à la charge et proposer un nouveau projet. L’actualité – les risques de ruptures d’approvisionnement liés à la crise ukrainienne – s’est chargée de lui donner raison. On verra ce que donnera le référendum lancé par l’UDC contre cette loi 2.0 sur le climat.
C’est sans doute ce trait de caractère que l’on retiendra de la magistrate: une capacité à aller au charbon avec une détermination certaine, à forger des consensus, à faire de la politique, donc. On l’a vu sur le dossier européen aussi: l’adoption de l’initiative contre l’immigration de masse a mis Bruxelles en pétard. Il a fallu à la magistrate un sacré doigté pour remonter la pente.
En cela, plus que sa personne ou son ancrage politique, c’est bien un rapport de force politique défavorable et de plus en plus polarisé à droite qui a desservi et bloqué ses projets. Ce qui pose surtout la question de l’intérêt d’une participation de la gauche minoritaire à un exécutif sous la coupe d’une majorité politique de plus en plus droitière pour ne pas dire réactionnaire. Mais ce mercredi, l’heure était à la tactique politique, pas à ces questions de fond.