Passage en force ou aveu de faiblesse?
La première ministre française Elisabeth Borne a engagé la responsabilité de son gouvernement. En clair: en posant la question de la confiance, elle a décidé d’un passage en force pour faire adopter le projet de loi de finances (PLF) 2023.
Un volontarisme problématique à plusieurs égards, même si légal sur la forme. Ce mécanisme a été engagé 89 fois depuis 1958. Il s’inscrivait dans une séquence historique précise. La Constitution française visait à donner à Charles de Gaulle le pouvoir de sortir la France d’une situation de quasi-guerre civile dans le cadre de la lutte pour l’indépendance de l’Algérie. Ce qu’il fit d’ailleurs, on peut discuter à l’infini quant à savoir s’il abusa ou non des pouvoirs étendus qui lui furent ainsi conférés par la charte fondamentale de la France.
Mais c’est bien un aveu de faiblesse qui ressort de cette activation de l’article 49-3, selon le jargon en usage. Le projet Macron prend l’eau de toute part. Le candidat hors-sol a été élu sans majorité parlementaire, ni légitimité électorale. Si l’on tient compte des votes blancs et autres abstentions, on trouve un nombre équivalent de Français·es qui ont voté pour le président en exercice que de personnes qui ont renvoyé dos à dos les deux candidat·es du second tour. C’est à une crise institutionnelle que nous assistons. Selon ce mode de comptage, le score «réel» d’Emmanuel Macron n’est que de 40% !
Dans ces conditions, ce passage en force est de mauvais aloi pour ne pas dire antidémocratique. A fortiori si l’on tient compte du climat insurrectionnel qui règne en France, dont le blocage des raffineries n’est que la pointe émergée de l’iceberg.
Le train budgétaire qui est en train d’être accouché aux forceps montre d’ailleurs une fois de plus le vrai visage d’Emmanuel Macron. Celui qui prétendait transcender le clivage gauche droite continue de nourrir généreusement le capital et de renvoyer les gueux et les gueuses à leurs pénates.
Une action à contresens de l’histoire. La tendance va vers davantage de démocratie et de justice sociale plutôt que cette république des prébendes; la crise climatique réclame une action volontariste de l’Etat, pas le démantèlement auquel on assiste. C’est bien à un projet de société et institutionnel en panne que les Français·es sont confronté·es. Mais pas qu’elles et eux. On voit que le régime hyper-majoritaire britannique est soumis aux mêmes forces centrifuges qui peuvent engendrer le meilleur –une reconfiguration politique– comme le pire –n’oublions pas que l’extrême droite est en embuscade.