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«Une hausse inadmissible!»

Les primes-maladie vont prendre un nouvel envol l’an prochain, au détriment des classes de la population les plus modestes. Emmanuel Deonna voit la nécessité d’une réforme du système de fond en comble.
Assurance maladie

Le Conseil fédéral a annoncé une hausse de 6,6% en moyenne des primes d’assurance maladie pour l’année prochaine.1>Lire «Douche froide pour les assurée·es» (Focus), Le Courrier du 28 septembre 2022. Cette augmentation varie d’un canton à l’autre. Elle sera par exemple de 4,7% à Genève, de 8% dans le canton de Vaud et de 9,5% dans le canton de Neuchâtel. Cette hausse est inquiétante et révoltante. Les prix de l’alimentation ont déjà augmenté à cause de l’inflation. Les ménages s’apprêtent à recevoir des factures de gaz et d’électricité beaucoup plus élevées dans les mois à venir en raison de la guerre en Ukraine et de l’instabilité géopolitique mondiale.

Le conseiller national Baptiste Hurni (PS/NE) l’a souligné lors de la dernière émission Infrarouge de la RTS: la situation actuelle est «insupportable, intenable et injustifiable!». Pendant que les classes défavorisées et la classe moyenne sont acculées, les assureurs sablent le champagne. Le salaire du PDG d’Assura est de 650 000 francs par an, celui de Concordia reçoit 520 000 francs, ceux de la CSS et d’Helsana 580 000 francs (salaires nets!). Pour un grand nombre de ménages helvétiques, les primes représentent plus de 20% du revenu disponible. La proportion de personnes touchant des subsides d’assurance maladie a doublé depuis 1996. Elle risque d’augmenter drastiquement.

Conscients des dangers inhérents à cette situation, le Parti socialiste et le Centre s’allient pour exiger une aide urgente de la Confédération pour les primes de 2023. Comme à son habitude, la plupart de la droite brandit l’impératif de maîtrise des coûts. Grosso modo, les coûts, et nos primes avec, prendraient l’ascenseur à cause du vieillissement de la population, des progrès de la technologie médicale et de demandes de prestation excessives des assuré·es. Cependant, la droite est muette au sujet du détournement des montants payés par les assuré·es à des fins publicitaires. Elle ne propose aucune mesure pour contrer ce phénomène.

Plusieurs projets visant la réduction des coûts de la santé ont passé la rampe du Conseil national, à l’instar des tentatives pour contrôler les prix des médicaments ou réduire les réserves des caisses-maladie. Mais ils ont échoué devant le Conseil des Etats. Car la Chambre des sénateurs est le bastion des lobbys des assureurs et des pharmas. Et la transparence n’y a pas cours.

Le niveau des réserves accumulées aujourd’hui par les caisses-maladie, justifié par le risque de circonstances exceptionnelles, est inadmissible. En dépit de la pandémie de Covid-19, de l’instabilité internationale et de l’inflation, une majorité d’assurances n’ont procédé à aucune réduction de leurs réserves l’an dernier. Au total, les caisses ont réduit leurs réserves de 380 millions en 2022. En termes globaux, cette mesure est anecdotique. Cela ne représente pas plus de 1% du volume total des primes, et 3% de toutes les réserves. Au contraire des assureurs, les citoyen·nes n’ont pas profité de la hausse des marchés boursiers. Les Suissesses et les Suisses se voient prélever un impôt exorbitant – les primes d’assurance-maladie – par des entreprises privées, non contrôlées démocratiquement.

Tout comme il est urgent de réduire les réserves des caisses pour soulager la population, les prix des médicaments devraient eux aussi être soumis à un contrôle citoyen. Ils constituent un quart des dépenses de l’assurance obligatoire des soins. Ils contribuent à l’augmentation des coûts de la santé en même temps qu’aux profits astronomiques des pharmas.

La solution viendra-t-elle d’une caisse unique et publique financée par des cotisations proportionnelles aux salaires, non soumise aux règles du marché? Un modèle de cette nature, bien connu à gauche, se rapprocherait en tous les cas à première vue infiniment plus d’un système de santé solidaire que le système actuel. Non corrélés au revenu et à la fortune, les montants exorbitants des primes d’assurance-maladie sont la preuve de l’injuste répartition des coûts de la santé. Ils sont l’un des symboles les plus criants des inégalités qui persistent et se creusent en Suisse.

Notes[+]

* Député socialiste au Grand Conseil genevois.

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