Genève

Le procès Steinmetz promet des étincelles

Le procès en appel de Beny Steinmetz, condamné à cinq ans de prison pour corruption en lien avec l’obtention de droits d’exploitation en Guinée, s’est ouvert lundi à Genève.
Le procès Steinmetz promet des étincelles
L'homme d'affaires israélien et magnat du diamant Beny Steinmetz, au centre, accompagné de ses avocats Christian Lüscher, à gauche, et Daniel Kinzer, à droite, arrive au palais de justice de Genève pour faire appel d'une condamnation pour corruption liée à des droits miniers en Guinée, à Genève, lundi 29 août 2022. KEYSTONE/Salvatore Di Nolfi
Procès

Le procès en appel du magnat des mines Beny Steinmetz, condamné à cinq ans de prison pour corruption en lien avec l’obtention de droits d’exploitation en Guinée, s’est ouvert lundi devant la Chambre pénale d’appel et de révision. Le Tribunal correctionnel l’avait accusé en janvier 2021 d’avoir fait main basse sur un gisement de fer en offrant à feu le président Lansana Conté la garantie de mettre à l’abri financièrement l’une de ses épouses, Mamadie Touré. 8,5 millions de dollars ont été versés à cette dernière, dans une opération qui en aurait personnellement rapporté au moins 150 au milliardaire. Une version des faits que la défense compte bien démonter pièce par pièce.

En ce premier jour d’audience, les avocats du milliardaire ont investi le champ des questions préjudicielles pour défaire, sur la forme, l’instruction menée pendant sept ans par le Ministère public. Une stratégie proche de celle menée en première instance, mais le style a changé. Au lyrisme de Marc Bonnant, qui a jeté l’éponge après la sanction infligée à son client par le Tribunal correctionnel, succède l’argumentaire plus sobre et technique de Daniel Kinzer, passé de second à chef d’orchestre de la défense. Avec deux angles d’attaque principaux: invalider une partie des témoignages recueillis durant la procédure et remettre en question la probité du procureur initialement en charge de l’instruction, Claudio Mascotto.

Témoin de la Couronne

«Jamais un procureur n’avait déployé autant d’énergie pour ne pas répondre aux questions qu’on lui pose», dénonce Christian Lüscher, pointant du doigt un «procureur exfiltré», qui aurait à dessein renoncé à requérir dans un dossier qu’il avait pourtant porté à bout de bras avant sa nomination à la Chambre administrative. Et les griefs à son encontre sont multiples: avoir écarté la défense du seul entretien, mené aux Etats-Unis, avec Mamadie Touré, témoin-clé de ce procès. Mais aussi avoir conclu des potentiels accords à couvert, notamment en Israël, pour obtenir des éléments à charge. La défense demande à la Cour de permettre l’audition de l’ancien procureur et souligne le devoir d’impartialité de la juge, Catherine Gavin. Laquelle, ne manque pas de pointer la défense, a travaillé il y a près de vingt ans dans la même étude que Claudio Mascotto.

Autre point litigieux: le témoignage de Mamadie Touré, lequel a été obtenu sous le statut de témoin de la Couronne – qualification dans le droit anglo-saxon de personnes ayant participé à des actions criminelles mais qui coopèrent avec la justice en échange d’une absolution plus ou moins partielle. Aurait-elle subi des pressions, du nouveau gouvernement de Conakry ou des autorités américaines, pour vendre la peau de Beny Steinmetz? D’un «interrogatoire insistant», elle aurait pu déduire que «la vérité qui était attendue était l’implication de M. Steinmetz», dépeint Daniel Kinzer. L’avocat demande que soient retirés de la procédure tous les procès-verbaux d’audition de celle qui fut épouse présidentielle.

Une avalanche de reproches sur la forme qui fait dire au premier procureur, Yves Bertossa, que la défense «n’a pas envie que l’on se penche sur le fond», toute à la recherche «de la faille procédurale». «Même sans le témoignage de Mamadie Touré, il n’y a pas une seule affaire de corruption au monde où l’on a autant d’éléments. Il ne manque qu’une vidéo de l’échange d’argent», ironise le représentant du Ministère public.

La juge rendra ses conclusions sur ces aspects procéduraux à la reprise de l’audience mardi matin, après quoi débutera l’audition des prévenu·es. Le procès est agendé sur dix jours: de quoi laisser le temps à la défense comme à l’accusation de développer chacune son storytelling.

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