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La preuve par Trump

Paolo Gilardi rappelle que l’unique moyen de se prémunir du danger des armes nucléaires est leur bannissement.
Nucléaire

Donald Trump a-t-il subtilisé des documents classés de la plus haute importance en matière de sécurité nationale? C’est ce que tend à prouver l’enquête ouverte à son encontre par le FBI. Il s’agirait, d’après la presse, de mémos classés top secret ou classés «TS/SCI», une catégorie plus restrictive encore, parmi laquelle pourraient se trouver des informations relatives à la question des «armes nucléaires». Pour le moment, rien n’est confirmé, mais la nouvelle n’a pas seulement de quoi inquiéter, elle est aussi la preuve d’une nécessité urgente. Explications.

Paradoxalement, lorsque, en août 1945, les USA avaient fait la preuve de leur puissance en rasant Hiroshima et Nagasaki, le monde était aussi soulagé par le fait que la bombe atomique avait été mise au point en Arizona et pas dans l’Allemagne nazie. Nombreuses et nombreux furent également celles et ceux qui, quatre ans plus tard, se félicitèrent du fait que l’URSS s’était à son tour dotée de l’arme nucléaire créant de la sorte un équilibre qui fut celui de la terreur, dissuasif, disait-on.

Depuis, neuf pays se sont dotés de la bombe, d’aucuns avec la bénédiction du Conseil de sécurité de l’ONU, d’autres de manière tout à fait illégale, au point que, à la fin du siècle passé, ils disposaient de quelques 70 000 têtes nucléaires. Suite aux mouvements antiatomiques et devant l’ampleur du danger – mais aussi intéressés par le fardeau économique représenté par la course aux armements– les Etats, en particulier les USA et l’URSS, ont participé à un processus de limitation de la prolifération nucléaire avec la signature, dès les années 1980, d’un certain nombre d’accords. Ainsi, le nombre de têtes nucléaires a été réduit à 13 000 aujourd’hui, ces bombes étant toutefois bien plus puissantes que celle d’Hiroshima.

Ces accords supposaient à la fois la rationalité des gouvernants de l’URSS – qui n’auraient pas couru le risque de déclencher une attaque dont leur pays aurait subi en retour les conséquences – et le respect supposé des règles et institutions de la part des dirigeants occidentaux. C’est d’ailleurs sur la base de la définition de certains Etats comme «voyous», que des mesures et sanctions ont été prises contre la Corée du Nord et contre l’Iran, leurs régimes n’étant considérés ni respectueux de certaines règles ni raisonnables, ce qui laisserait d’ailleurs supposer les puissances atomiques nanties de ces vertus. Dans les faits, il n’en est rien. Si l’aventurisme militaire d’un Poutine peut laisser craindre toutes sortes de dérapages, l’autocrate ne souffrant d’aucune opposition interne, on se complaisait généralement jusqu’ici à considérer les démocraties parlementaires comme immunes face à ces risques de dérapage, les institutions étant respectées par les gouvernants. Or, ce qui se passe aux Etats-Unis démontre que ces pays ne sont pas à l’abri, bien au contraire! Ne le sont pas les USA où l’instigateur présumé de l’attaque contre le Capitole a été élu démocratiquement; ne le sont pas d’autres puissances nucléaires. Que l’on se rappelle que, en France, par exemple, depuis 2002, l’extrême droite – qui, à l’instar d’un Trump se définit «antisystème» – a par trois fois atteint le deuxième tour de l’élection présidentielle, de la personne qui a accès aux codes atomiques.

En ce sens, Donald Trump est la preuve vivante du fait que seul le désarmement nucléaire total, le bannissement pur et simple de l’arme atomique – comme l’ont été les armes chimiques, biologiques et bactériologiques – peut nous mettre à l’abri du désastre.

Paolo Gilardi, Genève

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