Turin, capitale des grévistes du climat
Depuis lundi, des grévistes du climat venus des quatre coins de l’Europe se réunissent dans la capitale piémontaise pour un nouveau sommet. Le premier avait eu lieu à Lausanne en 2019. Entretien avec quelques-un·es des participant·es romand·es.
Quel est votre rôle à Turin? Etes-vous de simples participant·es?
Kelmy Martinez: Avec Elias Jordan et Loukina Tille, nous avons un rôle particulier. Comme nous avions organisé le sommet de Fridays for Future en 2019 à l’université de Lausanne, nous sommes présent·es à Turin pour coacher l’équipe d’organisation. Cette année, le sommet est un peu différent. Contrairement à Lausanne où une déclaration avait été promulguée, il n’y aura pas de prise de décision cette semaine.
Qu’est-ce qui est prévu concrètement cette semaine?
Kelmy Martinez: Ces cinq jours seront consacrés à des discussions et à des groupes de travail sur différents thèmes abordant des questions variées comme l’influence de l’industrie fossile sur les décisions des politicien·nes ou encore le lobbyisme civique au sein de l’Union européenne, pour ne citer que deux exemples. Le but de cette semaine est de recréer du lien entre activistes après une longue période de distance due à la pandémie de coronavirus.
«Le but de cette semaine est de recréer du lien entre activistes après une longue période de distance due à la pandémie de coronavirus» Kelmy Martinez
Elias Jordan: Il y a deux événements en parallèle tout au long de la semaine. D’une part, la rencontre européenne de Fridays for future et de l’autre un camp qui s’appelle Climate social camp, ouvert à tous ceux et à toutes celles qui souhaitent y participer, que les personnes soient activistes ou non, affiliées à un mouvement ou non. En plus des discussions et des débats thématiques, il y a aussi des «talks» avec, entre autres, Silvia Federici et Andreas Malm jeudi ainsi qu’une grève annoncée vendredi à Turin qui rassemblera, on l’espère, un maximum de participant·es.
Pourquoi avez-vous choisi de vous rendre à ce nouveau sommet? Et qu’est-ce qui vous motive à poursuivre votre engagement?
Loukina Tille: Depuis la fin de Smile (Summer meeting in Lausanne Europe, ndlr), nous avions décidé de faire l’effort de transmettre tout ce que nous avions appris de cette expérience. Nous voulons partager nos connaissances entre jeunes organisateur·trices.
Nous ne sommes pas les seul·es Suisses à être ici. Nous sommes une trentaine dont neuf Romand·es parmi lesquel·les se trouvent cinq Vaudois·es et quatre Genevois·es. C’est une bonne représentativité pour la petite région que nous représentons. Nous continuons à nous engager dans ces rencontres européennes car il faut garder en tête que la crise climatique et les enjeux environnementaux sont des problèmes internationaux: pour orienter nos futures actions, il faut continuer à chercher de l’inspiration autour de nous et rester en lien avec les Européens.
De plus, plusieurs activistes des pays du Sud (Sud global) ont fait le déplacement pour nous parler de leur expérience du changement climatique dans des régions où les populations sont plus vulnérables. Ce meeting représente une réelle opportunité d’élargir notre compréhension des réalités de chacun·e dans cette lutte.
Depuis 2019, les mouvements climatiques se sont-ils essoufflés?
Myriam Pidancet: Il est certain que l’arrivée du Covid-19 a eu un impact sur ces mouvements et leur dynamique. En même temps, c’est totalement normal. On parle de mouvements. Les mouvements évoluent, changent, comme tout dans la vie. Nous faisons davantage d’actions directes comme avec la zad (zone à défendre, ndlr) de la colline du Mormont. Il y a aussi de plus en plus de désobéissance civile à travers le pays. De nouveaux collectifs se forment à l’image d’Agissons! qui lancera bientôt une série d’initiatives dans le canton de Vaud.
Les mouvements se sont transformés. Mais ils restent nécessaires. La diversité des stratégies d’action sera d’ailleurs discutée pendant cette semaine puisqu’il apparaît clair pour tout le monde que même en rassemblant des millions de personnes dans les rues du continent, les gouvernements ne prennent toujours pas la mesure du problème.
Les médias se sont essoufflés, par contre! Et ils se décrédibilisent en ce moment en illustrant la canicule par des photos de barbecue… La vraie question est: «Pourquoi ne sommes-nous plus au centre de l’agenda médiatique?» L’urgence n’a pas disparu.
Qu’attendez-vous de cette semaine? Comptez-vous revenir avec des nouvelles stratégies à proposer aux Vaudois·es et aux Genevois·es?
Tiziano Frei: Nous voulons surtout partager notre motivation et apprendre des autres participant·es. Ça fait du bien de voir que nous sommes un bon nombre à penser et à vouloir changer les mêmes choses. Ce genre de sommet permet aussi d’avoir une vision plus globale de notre action.
Nous essayons également de comprendre comment nous pouvons soutenir au mieux les MAPA, l’acronyme anglais qui fait référence aux personnes et aux zones les plus affectées par le changement climatique. A ce sujet, plusieurs discussions sont menées quant à la nécessité de rendre nos mouvements inclusifs pour les personnes racisées, hors de toute dynamique néo-colonialiste. Nous abordons également le soutien aux combats des personnes dans les pays du sud, contre les projets des multinationales européennes, notamment le pipeline EACOP de Total Energies.
Kelmy Martinez: Nous avons aussi l’intention de proposer des stratégies à mettre en pratique pour mener la grève climatique internationale prévue par Fridays for Future le 23 septembre.
Myriam Pidancet: Nous échangeons beaucoup sur nos connaissances, nos expériences, mais aussi nos stratégies et tactiques de lutte. A la fin de la semaine, nous aurons une synthèse des tables rondes que nous pourrons utiliser une fois de retour en Suisse pour mettre en pratique les idées qui auront pu émerger au cours de cette semaine. Il est certain qu’on va revenir avec le sourire!