On nous écrit

L’Occident coresponsable de la guerre

Claude Béguin revient sur les relations entre la Russie et l’OTAN.
Guerre en Ukraine

L’OTAN a opté pour une guerre longue, afin d’épuiser la Russie, et de la dissuader d’attaquer une autre démocratie de l’Europe de l’Est (par définition vertueuse, comme l’est la démocratie ukrainienne, bien sûr). Argument bien huilé à force de dénigrement systématique de la Russie (le distinguo entre Poutine et Russie est de plus en plus passé comme chat sur braise, d’autant que ce pays est le paradis d’oligarques peu recommandables), et de ce fait accepté par des peuples occidentaux bien-pensants et bien formatés, pour ne pas dire lobotomisés, par une presse dominante, financée par les magnats de l’économie (oligarques à la mode occidentale).

Il devient donc accessoire, sinon mesquin, d’afficher le coût humain exorbitant, de 50 à 100 morts par jour, de 150 à 500 blessés, reconnu par le président Zelensky lui-même, sinon pour réclamer plus d’armes, et des armes lourdes, qui peuvent nous conduire à une escalade fatale.

Dans ma lettre parue le jeudi 10 mars 2022, tout en condamnant l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe, j’avais également condamné les politiques de l’Occident qui y ont conduit. Force m’est de constater, aujourd’hui, que l’Occident partage avec la Russie la responsabilité de la poursuite de la guerre avec ses conséquences catastrophiques, et cela avec des arguments de mauvaise foi. En effet, dissuader la Russie d’attaquer d’autre «démocraties» et de «protéger» l’Europe est la couverture d’un blanc-seing offert à l’expansionnisme vers l’est des Etats-Unis d’Amérique, qui peuvent compter sur l’appui actif de certains serviteurs dévoués, pour ne pas dire serviles, comme la présidente de la Commission européenne, Madame Ursula Von der Leyen, et, bien sûr, le secrétaire général de l’OTAN, le norvégien Jens Stoltenberg. Jérôme Gygax fait une analyse pertinente de cette situation dans son article «Une proxy war sur le dos de l’Europe?» paru dans Le Courrier du lundi 27 juin.

La croisade des dirigeants européens contre la Russie et «pour la démocratie» est un leurre. Un leurre, en tout premier lieu parce que l’Ukraine, n’est pas là démocratie angélique que d’aucuns aiment voir en elle, et l’«héroïque» président Zelensky, en sweat-shirt et treillis, est moins un guerrier sans reproches qu’un pion médiatique. Un leurre car elle pénalise dans la durée et en profondeur l’avenir des citoyens et du climat: le vice-chancelier allemand et ministre fédéral de l’Economie et du climat depuis le 8 décembre 2021, Robert Habeck, un écologiste de l’Alliance des Verts, ne s’avoue-t-il pas contraint de recourir au gaz de schiste américain, combattu par toutes les organisations qui se battent pour l’environnement à cause de ses nuisances? Un leurre, enfin, car les sanctions, clamées haut et fort, n’empêchent pas la Russie de tirer plus de profit de ses hydrocarbures aujourd’hui qu’hier, car, si le volume exporté a diminué, le prix a augmenté. Un indice ne trompe pas: le cours du rouble russe est passé de 0,014 franc le 29 mai, à 0,018 franc le 28 juin. Et si on prend en compte qu’il avoisinait 0,011 franc avant la crise…

Dommage, dans ce contexte, que le Conseil fédéral se laisse séduire par les sirènes atlantiques et oublie de plus en plus la neutralité helvétique, potentiel non négligeable de négociations pacificatrices. Au moins, nous, en tant que citoyens, évitons l’erreur d’Ulysse!

Claude François Béguin,
Genthod (GE)

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