Édito

Retour vers le passé

Retour vers le passé
Des activistes pro-nucléaires manifestent devant le parlement européen, mercredi 6 juillet à Strasbourg. KEYSTONE
Energie nucléaire

Pour le parlement européen, le gaz et le nucléaire sont des énergies durables, voire vertes! Un vote intervenu mercredi à Strasbourg, en contradiction des préavis arrêtés en commission de l’environnement et en commission des affaires économiques et financières où ce texte avait été refusé le 14 juin dernier.

Concrètement, les députés ont inclu ces deux formes d’énergie dans une liste – la taxonomie européenne, selon le jargon communautaire – de l’Union européenne jugée nécessaire pour lutter contre le réchauffement climatique. Un non-sens écologique: inclure des énergies fossiles – le gaz et l’uranium sont des énergies non renouvelables – dans cet inventaire est indéfendable; et l’argument d’un nucléaire prétendument neutre en matière de CO2 est une tromperie. D’une part, cette filière est au contraire très émettrice de gaz carbonique, selon les études ce taux oscille entre 15% et 30% par rapport à des centrales fonctionnant au carburant fossile. Et, d’autre part, elle est très polluante en termes de relâchement de la radioactivité dans la biosphère.

Le vote de mercredi est la résultante d’un double processus. D’une part, il s’inscrit dans la logique d’un lobbying puissant du camp nucléocrate. Avec les troupes d’Emmanuel Macron en tête. Le locataire de l’Elysée tient des propos qui relèvent du storytelling – «Make Our Planet Great Again» – quant il s’agit de communiquer; mais dans les faits, son action s’inscrit bien dans une logique du passé.

Deuxième aspect de cette Berezina politique: le lobby de l’atome l’a aussi emporté en raison de la crise énergétique déclenchée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Si on peut comprendre le vent de panique qui souffle dans les Chancelleries européennes, il n’en demeure pas moins que la réponse est à rebours du bon sens.

Les pays dont provient l’uranium servant à alimenter les centrales sont tout sauf démocratiques, qu’il s’agisse du Mali ou… de la Russie. Idem pour le recours au gaz qui remet une des principales sources de revenus de la Russie en selle. Sans oublier que nucléaire militaire et civil sont les deux revers d’une même médaille.

Le conflit ukrainien met en exergue l’affrontement de logiques impérialistes; la décision de mercredi, plutôt que de rompre avec ces rapports de force les conforte au contraire. Là où il faudrait raisonner de manière décentralisée, durable et si possible visionnaire, cette décision traduit la persistance de schémas politiques délétères et qui nous ont conduits dans la présente impasse. De quoi nourrir une sérieuse inquiétude quant à la capacité des puissances occidentales d’affronter le défi climatique.

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