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«Financer suffisamment de postes»

Face au manque de moyens des institutions d’aide sociale dénoncé par les professionnel·les du secteur, Elisabeth Di Zuzio estime nécessaire que le parlement genevois prenne ses responsabilités sur le plan budgétaire.
Genève

«A Genève, les institutions sociales publiques sont exsangues» titrait Le Courrier dans son édition du 3 juin 2022. La qualité des prestations dépend aussi des conditions de travail, rappelaient les employé·es de ces institutions et leurs syndicats. Etant personnellement en contact avec des enfants et des adultes qui reçoivent ces prestations, je me rends compte à quel point cette affirmation est fondée.

Pour un enfant handicapé mental scolarisé dans une classe de l’enseignement spécialisé, le temps qu’il passe à l’école est important pour son développement et aussi pour le plaisir de participer à de nombreuses activités avec d’autres enfants. Mais le reste du temps, il le passe avec ses parents, parfois avec sa mère seule. Celle-ci a besoin de soutien pour sa tâche: faire face aux comportements difficiles, rester calme, ferme, bienveillante, attentive, tous les jours, malgré les angoisses et la fatigue. Elle doit pouvoir compter sur l’enseignant·e ou l’éducateur·trice pour communiquer, dire ses inquiétudes, recevoir des informations… Comment serait-ce possible si les professionnel·les sont en sous-effectif et surmené·es?

Des parents séparés qui ne réussissent pas à se mettre d’accord sur le droit de visite, c’est fréquent – et les enfants en souffrent. Les assistantes et assistants sociaux du Service de protection des mineurs (SPMi) – «intervenant·es en protection de l’enfance» – sont mandaté·es pour aider à trouver une solution. Ces professionnel·les écoutent chaque membre de la famille, s’efforçant de comprendre des situations conflictuelles. Ensuite, ils et elles doivent rendre au juge un rapport qui lui permette de décider les modalités les plus favorables au bien de l’enfant. Comment confier une tâche aussi exigeante, en termes d’écoute et de discernement, à des professionnel·les qui gèrent un nombre exagéré de situations? Refuser les moyens au SPMi, c’est faire un tort grave aux enfants.

Quant aux personnes qui se sont trouvées sans ressources, ont fait leur demande d’aide à l’Hospice général et ont été reconnues comme ayant droit aux prestations, leurs besoins de base devraient être couverts. Pourtant, j’en ai rencontré qui se nourrissaient de pâtes depuis plusieurs semaines, ou qui ne pouvaient pas faire soigner une rage de dent, ou même qui étaient menacées d’une évacuation imminente parce qu’elles n’avaient pas payé leur loyer…Comment est-ce possible qu’elles n’aient pas reçu à temps leur aide financière? Il est vrai que les règles appliquées par l’Hospice général ne sont pas toujours simples; il arrive que certain·es bénéficiaires n’agissent pas comme ils ou elles devraient, par manque de compétences ou parce que submergé·es par leurs soucis personnels. Normalement ces obstacles sont surmontés grâce à l’accompagnement par des professionnel·les qui prennent le temps d’expliquer, de répéter si nécessaire, de conseiller. Mais si tout le personnel du Centre d’action sociale est débordé, ne répond plus au téléphone et commet des erreurs administratives, tout va de travers…

La conclusion est simple: les institutions sociales publiques doivent recevoir le financement pour un nombre suffisant de postes. Sinon les réorganisations et les nouvelles lois ne servent à pas grand-chose. Les directions le savent. Les chef·fes de département en sont conscient·es. Mais ce sont les député·es au Grand Conseil qui décident du budget: à elles et à eux de prendre conscience des conséquences de leurs décisions.

Elisabeth Di Zuzi est assistante sociale retraitée, Genève.

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