Fiches: bis repetita
On ne se refait pas. Le Service de renseignement de la Confédération (SRC) continue d’espionner les Suissesses et les Suisses selon des critères tout sauf démocratiques. Des ONG comme Public Eye, qui a médiatisé l’affaire mercredi, ou des politiques, les Vert·es sont partie prenante au dossier, sont ainsi fiché·es.
Ces révélations font suite à une demande déposée par ces deux acteurs politiques de pouvoir consulter les dossiers du SRC. Une ténacité qui a fini par payer. Et qui aboutit à un constat des plus inquiétants. Les longues oreilles de la Suisse s’affranchissent allègrement des règles du droit pour fouiner tous azimuts.
Les semelles cloutées du SRC voient des extrémistes violent·es partout. Décerner un prix à l’entreprise coupable des pires violations des droits humains ou d’atteintes à l’environnement vous place dans la case terroriste. Idem pour l’outrecuidant·e qui aurait la saugrenue idée de se rendre au Forum social mondial…
Cette triste affaire s’inscrit dans une continuité. A réitérées reprises, depuis l’affaire des fiches en 1989, les services secrets suisses se font attraper les doigts dans le pot de confiture. La dernière en 2019. A chaque fois, on nous sert des excuses vaseuses: il s’agit d’un héritage du passé, d’un problème informatique ou «d’une mauvaise définition des priorités».
On abuse d’arguments relevant de la casuistique: ce ne sont pas des partis ou des politicien·es qui ont été espionné·es, mais des particulier·ères s’étant rendu·es à une rencontre dans le collimateur du SRC. Le tout suivi de l’affirmation que tout a été fait dans les règles et le respect du droit.
Voire. En 2019, la délégation des Commissions de gestion avait estimé qu’au contraire, le SRC avait enfreint la loi. Et dans ce nouveau scandale, un avis de droit a été demandé. Il conclut clairement que cette récolte de données sort du cadre légal.
Ce nouveau scandale va-t-il enfin réveiller les autorités et leur faire revoir les modalités de la surveillance qu’elles sont censées exercer sur ce type d’activités de renseignement? On peut en douter. La pression politique n’est pas assez forte.
En 2016, le peuple n’a-t-il pas approuvé en votation la critiquable Loi sur le renseignement? Un texte qui prend, lui aussi, des libertés avec l’Etat de droit, notamment en ce qui concerne le principe de la présomption d’innocence.
Il est à craindre que l’arbitrage entre respect des droits fondamentaux et sécurité tourne encore longtemps au bénéfice de cette dernière. Et tant pis si cette promesse est abusive et peut conduire à des excès, voire briser des vies comme lors des interdictions professionnelles durant la Guerre froide ou l’utilisation des fiches par des officines privées qui avaient leurs entrées dans ces bureaucraties qui rappellent furieusement Orwell.