Les carnivores qui crient au loup
Les député·es et magistrat·es vert·es devront faire preuve d’exemplarité en adoptant un régime végétarien lors des événements ou séances auxquels ils et elles participeront en leur qualité d’élu·e. La mesure, votée par l’assemblée du parti mais qui est déjà vouée à être rediscutée, a suscité sur les réseaux sociaux et dans les médias de vives réactions allant de la moquerie à la criante indignation. Pourquoi en faire un tel foin?
L’intérêt écologique de réduire la consommation de viande n’est plus à démontrer, et figure en bonne place parmi les solutions préconisées par le dernier rapport du Giec pour lutter contre le réchauffement climatique. En termes d’émissions de gaz à effet de serre ou de besoins en eau, le bilan écologique de la viande est sans comparaison avec celui d’une alimentation végétale. Et ce, même si la production est locale.
C’est donc la forme qui dérange? On crie à l’intrusion dans la sphère privée, à l’avènement d’une écologie punitive, à un extrémisme fait d’interdits moraux. Pour autant, est-il vraiment jusqu’au-boutiste d’exiger qu’un effort soit fait lors des apéros et repas où une fonction officielle est assumée? Cette mesure a valeur de symbole, elle est inscrite dans une charte qui repose sur la confiance et pas sur une police de la moralité. Personne ne viendra mettre le nez dans la dinde de Noël, le saumon des grandes occasions ou le barbecue du dimanche. Hypocrite, peut-être, mais pas extrémiste.
Parmi les réfractaires, combien se sont indigné·es qu’on impose aux enfants dans les crèches un régime semi-végétarien, où la viande n’est plus qu’occasionnelle? La mesure, bien plus concrète, fait pourtant partie de la stratégie climat de la Ville de Genève. Que des adultes engagé·es pour la transition écologique ne puissent l’assumer occasionnellement laisse perplexe. La crédibilité des Vert·es, alors que le parti réclame des changements de comportement de la population également en termes de mobilité et de logement plus écologiques, passe aussi par une forme d’exemplarité.
Sans compter le mérite sous-jacent de cette mesure qui, si elle est confirmée, mettrait la pression pour qu’une alternative végétarienne soit systématiquement disponible lors des repas de travail ou officiels.
Le plus déprimant dans cette résolution n’est pas tant l’injonction qu’elle implique, mais bien qu’elle doive encore être formulée après un sixième rapport du Giec alarmant, au sein d’un parti censé être à la pointe de la transition écologique. Dans un pays qui a la chance d’avoir accès à une importante variété alimentaire, et sans même entrer dans la clivante question de l’éthique animale, manger de la viande à toutes les sauces est une habitude d’un autre siècle.