Édito

Frontex, cela restera non et encore non

Frontex, cela restera non et encore non
Ce vote est aussi celui d’un rapprochement avec l’UE. Sans doute aussi un peu contraint et forcé, sous l’effet de l’inquiétude: l’invasion de l’Ukraine voit la Suisse s’abriter sous le parapluie occidental. KEYSTONE
Votation fédérale

Des résultats nets et sans appel. Le Conseil fédéral peut se féliciter: il a trouvé un soutien sur tous les sujets qu’il défendait. Reste que les votations de ce week-end peuvent donner lieu à des appréciations plus mitigées. Alors, oui, réjouissons-nous de l’acceptation de la loi sur les dons d’organes qui permettra de sauver des vies. Et saluons le net soutien à la Lex Netflix, alors que les sondages indiquaient plutôt un rapport de force serré. Elle permettra de financer quelques projets. Ce résultat est également de bon augure pour les prochaines votations sur la question des médias et il ouvre la voie à une taxation des géants d’internet.

En revanche, il convient de déplorer très vivement le soutien à l’extension financière de la participation suisse à Frontex. C’est un oui à la forteresse Europe qui est sorti des urnes, une approbation d’une politique d’asile indigne consistant à verrouiller les frontières et à laisser des dizaines de milliers de malheureux·euses se noyer dans la Méditerranée. Nul doute que la propagande gouvernementale a porté. Le Conseil fédéral a usé et abusé d’un stratagème consistant à amalgamer de façon mensongère Frontex et l’espace Schengen. Les Suissesses et les Suisses se voyaient déjà à nouveau relégué·es dans les files d’attente des aéroports des pays communautaires avec les ressortissant·es des pays extra-européens. Seule consolation: on peut voir dans ce vote un désaveux de l’extrême droite udéciste qui combattait Frontex au nom d’un repli identitaire sur le réduit national. Ce vote est aussi celui d’un rapprochement avec l’UE. Sans doute un peu contraint et forcé, sous l’effet de l’inquiétude: l’invasion de l’Ukraine voit la Suisse s’abriter sous le parapluie occidental. Frontex en est un des premiers prolongements. Ce résultat a donc en partie un caractère conjoncturel.

Reste qu’à l’arrivée, même les villes progressistes ont soutenu ce dispositif liberticide: un vrai crève-cœur. Le combat était sans doute par trop inégal. Le fait que les grandes organisations – Amnesty International ou l’Organisation suisse d’aide aux réfugié·es – ne se soient pas engagées dans la campagne en est un indicateur. Elles vont devoir être à la hauteur de cette prudence et marquer le Conseil fédéral à la culotte. Lui qui a promis que ce soutien au développement de Frontex se doublera d’une volonté de réforme «de l’intérieur» de ce dispositif.

Car Frontex a failli. La démission de son patron sur fond de rapports trafiqués pour permettre des reconductions illégales l’illustre. Le parlement européen a même voté contre la décharge du budget de l’agence. Espérons que ces promesses ne resteront pas lettre morte. En attendant, il s’agit de ne rien lâcher et de continuer à refuser ces logiques mortifères qui déshonorent la démocratie.

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