On nous écrit

Il n’y a pas de classement de l’horreur

Philippe Gander et Catherine Pellaton constatent de grands progrès ces dernières semaines dans l’accueil et espèrent que des réfugiés d’autres latitudes pourront également en bénéficier dorénavant.
Asile

Tous deux enseignants, depuis peu à la retraite, nous étions investis alors dans l’accueil d’élèves allophones. Depuis des décennies, l’école genevoise accueille avec beaucoup d’énergie des enfants de toutes provenances et pour toutes sortes de raisons, qu’elles soient humanitaires ou non, et que la situation soit urgente, dramatique ou pas.

Nous avons des souvenirs marquants de nombreux récits que certaines et certains nous firent de leur vécu avant d’arriver en Suisse. Cela allait de descriptions de maisons détruites aux décombres fumants et de tanks éventrés d’une petite qui était arrivée de l’ex-Yougoslavie à celui d’une jeune fille érythréenne dont le père était mort d’épuisement juste avant qu’elle ne fut recueillie par une antenne humanitaire, en passant par deux jumeaux somaliens qui avaient vu leurs parents exécutés devant eux…

Aujourd’hui, les horreurs se répètent, plus près de nous. Si cette proximité nouvelle de la barbarie a un effet sidérant, elle ne change pas le degré de l’horreur mais, force est de le constater, qu’elle modifie, en l’amplifiant, le ressenti que les tiers ont de ces événements cruels, effrayants et sanglants.

Certains des élèves déplacés qui nous furent confiés ont dû plus tard trembler encore lorsque leur renvoi possible fut évoqué pour telle ou telle complication administrative et, ce dont nous sommes certains, c’est qu’aucun d’eux ne fut jamais l’objet dans la presse d’un quelconque reportage concernant leurs premiers pas dans l’école genevoise ou ne furent le sujet d’un article sur leurs conditions d’hébergement en Suisse.

Il en va très différemment aujourd’hui. On peut ainsi suivre la première journée dans une école genevoise de tel petit Ukrainien dans les oreilles duquel siffle encore le vacarme terrifiant des bombes ou même les conditions d’accueil de certains animaux de compagnie qui sont arrivés jusque chez nous, accompagnant leurs maîtres qui, chez eux, ont subitement tout perdu.
Nous aimerions croire que la sollicitude qui s’exprime ces jours dans les médias est le reflet d’une évolution positive du degré d’empathie dont nous sommes devenus capables face à l’horreur.

Nous aimerions croire que si par malheur une violence aussi dévastatrice devait à l’avenir frapper des frères humains sous des latitudes très différentes des nôtres, ceux qui réussiront à fuir bénéficieront alors également des progrès constatés ces dernières semaines dans l’accueil.
Parce qu’il n’y a pas de classement de l’horreur en fonction du lieu où elle s’exerce…

Philippe Gander, Catherine Pellaton, Grand-Saconnex (GE)

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