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Des attaques violentes

Alison Katz réagit à un article publié le 12 février lors du décès du prix Nobel de médecine Luc Montagnier.
Sciences

Il n’y a rien d’hallucinant dans l’affirmation suivante attribuée à Luc Montagnier: «Nous pouvons être exposés de nombreuses fois au VIH sans être infectés de façon chronique».

En effet, chez les populations riches et en bonne santé, le VIH est très peu contagieux. Ceci était vrai même avant l’introduction des antirétroviraux (ARV), médicaments qui réduisent très efficacement la charge virale. En l’absence des ARV, on estimait le risque d’infection pour un homme à 1/1000 rapports sexuels avec une femme séropositive et pour une femme, 1/500 rapports avec un homme séropositif.

Ce risque bas s’applique aux personnes avec un bon système immunitaire. Le risque parmi les populations pauvres est tout autre. Selon ONUSIDA, en 2001 le taux de prévalence du VIH dans la plupart des pays riches était en dessous de 0.1%. Dans les pays les plus touchés d’Afrique subsaharienne, par exemple, ce chiffre était entre 20% et 25%. (Contrairement aux théories racistes, cette divergence ne s’explique absolument pas par les supposées différences en termes de comportement sexuel.)

La malnutrition, la sous-nutrition, les carences nutritionnelles spécifiques, et les multiples co-infections chroniques affaiblissent et dérèglent les systèmes immunitaires chez les populations pauvres. L’affirmation de Montagnier n’était qu’une reformulation du dictum de Pasteur: «Le microbe n’est rien, le terrain est tout.»

En ce qui concerne son affirmation que la mort subite du nourrisson intervient après une vaccination, ne condamnons pas si vite Montagnier. Le sujet est encore débattu aujourd’hui dans les revues médicales et pour certain·es chercheur·es, le doute persiste. Il faut continuer à identifier les possibles causes et les facteurs de vulnérabilité chez certains enfants.

«Triste fin pour un chercheur?» Sans doute, vu la violence des attaques contre lui. Triste fin aussi pour une science qui ne tolère plus la moindre exploration d’hypothèses alternatives. Pourtant il y en a qui sont légitimes.

Alison Katz,
Genève

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