L’absence de consentement n’a pas encore été retenue pour redéfinir le viol. Un pas a toutefois été franchi en faveur des victimes. La commission des affaires juridiques du Conseil des Etats (CAJ-CE) reconnaît qu’il peut y avoir viol en l’absence de contrainte. Dans la révision du projet de la loi pénale relative aux infractions sexuelles adoptée vendredi, elle a choisi le principe «non, c’est non». Si le parlement suit la commission, un auteur de viol ne pourra plus légalement passer outre le refus exprimé de sa victime. Dans la loi actuelle, rappelons-le, un viol est reconnu uniquement lorsqu’il y a contrainte. Et quand la victime est de sexe féminin.
Nous revenons de loin. Le premier avant-projet de révision avait inventé une nouvelle infraction, «l’atteinte sexuelle», qui constituait une sorte de faux viol, non reconnu comme tel et puni plus légèrement. Il est plutôt bon signe que la commission de la chambre la plus conservatrice du parlement – bastion masculin de droite – fasse un pas en direction des droits des femmes. La vague violette des élections fédérales de 2019, qui a amené davantage d’élu·es progressistes jusqu’aux salles feutrées des commissions, est aussi passée par là. Une minorité de la CAJ-CE a porté les revendications de la société civile et s’est battue pour essayer d’intégrer la notion de consentement dans le projet de loi. Une proposition minoritaire a été rédigée en ce sens, donnant une marge de manœuvre supplémentaire au Conseil national pour aller plus loin que la proposition «non, c’est non».
L’enjeu est immense pour les milliers de victimes qui ne sont aujourd’hui pas reconnues. Il est essentiel que la loi assoie le principe du consentement, selon lequel seul un oui est un oui. Il s’agit de fonder notre base légale sur l’état des connaissances scientifiques actuelles et non pas sur un mythe du viol, selon lequel une personne est toujours en capacité de dire non. Cette vision tronquée nie le phénomène de sidération (ou freezing), qui toucherait jusqu’à 70% des victimes d’agression sexuelle. Face à des traumatismes, ce mécanisme plonge les personnes concernées dans un état de stupeur qui les empêche de réagir et de parler. La loi doit le prendre en compte. Y inscrire le principe du consentement rendrait également possible de renforcer la prévention des violences sexuelles. Il est temps que le parlement entende la voix des victimes.