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Discorde au Maghreb

Une soixantaine d’années après leur indépendance, les pays du Maghreb demeurent désunis et peinent à bâtir entre eux une union quelconque. La région qui fait face à des défis gigantesques – sociaux, climatiques, sécuritaires et migratoires – est de surcroît pénalisée par l’hostilité entre l’Algérie et le Maroc. Le dernier numéro de Manière de voir se penche sur ces divers enjeux.
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Le 24 août, l’Algérie rompait ses relations diplomatiques avec le Maroc en accusant le royaume d’«actes hostiles». Cette rupture, la deuxième dans l’histoire des deux pays, consacrait une longue période de paix froide marquée notamment par une incapacité commune à trouver une solution au conflit du Sahara occidental, ancienne colonie espagnole aujourd’hui occupée par le Maroc. Cette mésentente entre Alger et Rabat constitue un obstacle de taille à l’intégration régionale. Proclamée en février 1989, l’Union du Maghreb arabe (UMA), comprenant l’Algérie, la Libye, le Maroc, la Mauritanie et la Tunisie, demeure une coquille vide qui n’a accompli aucun de ses objectifs (libre circulation des personnes, union douanière, politiques économiques communes, etc.).

Avant de détailler les conséquences de cet échec – une sorte de «non-Maghreb» –, la dernière livraison de Manière de voir revient sur les origines du contentieux algéro-marocain1>«Le Maghreb en danger…», Manière de voir, n° 181, février-mars 2022, bimestriel édité par Le Monde diplomatique, www.monde-diplomatique.fr. En contrepoint d’une cartographie détaillée de la région, plusieurs textes relatent les différends frontaliers survenus au lendemain des indépendances, notamment lors de la brève «guerre des sables» qui opposa Alger et Rabat en 1963. Cet épisode n’empêchera pas une normalisation progressive des relations entre les deux pays et même, comme le rappelle un article inédit, la conclusion d’un accord instaurant «une paix permanente pour les siècles à venir» (janvier 1969). Las, le retrait espagnol du Sahara occidental en 1975 et la prise de contrôle de ce territoire par le Maroc provoqueront une nouvelle crise qui n’en finit pas de peser sur la construction maghrébine.

Peu désireux de s’unir ou même d’améliorer leurs coopérations, les pays du Maghreb central (Algérie, Maroc et Tunisie) partagent toutefois certaines réalités politiques. Dans le deuxième chapitre, une analyse comparative montre comment des pouvoirs autoritaires y entravent l’émancipation démocratique, musellent oppositions et médias – même si la Tunisie semble faire mieux que ses voisins depuis la révolution de 2011. Sont également décryptés les mouvements de contestation pacifique dans le Rif marocain (2016-2017) et en Algérie (depuis 2019), ainsi que la persistance d’un bouillonnement protestataire en Tunisie.

Objet de la troisième partie et de plusieurs textes inédits, les lignes de fracture maghrébines éclairent l’incapacité des pays de l’UMA à empêcher les ingérences extérieures dans la région – comme en Libye, où interviennent militairement l’Egypte, les Emirats arabes unis, le Qatar, la Russie et la Turquie. Les conséquences de la présence d’Israël dans la région sont aussi abordées. En normalisant ses relations avec Tel-Aviv, Rabat a accentué les tensions avec son voisin et rival, au point que l’hypothèse d’un conflit entre l’Algérie et le Maroc devient désormais crédible. A cela s’ajoutent les habituelles polémiques chauvines à propos de la primauté de chaque pays sur tel ou tel élément du patrimoine culturel commun. Comme le montre un article consacré aux «graines de la discorde», parmi lesquelles le couscous et la musique raï.

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