En 1945 naissait l’Organisation des Nations unies (ONU), dans le but de «préserver les générations futures du fléau de la guerre». Certes, les armes ne se sont pas tues pendant ces huit décennies: répression coloniale en Algérie, affrontements par procuration en Angola ou au Vietnam, éclatement sanglant de la Yougoslavie, génocide des Tutsis au Rwanda, agressions de l’Irak par les Etats-Unis ou de l’Ukraine par la Russie, massacres en République démocratique du Congo (RDC)…
Pourtant, un peu comme on ne parle pas des trains qui arrivent à l’heure, on oublie que l’ingénierie de la paix instituée par la Charte de l’ONU a contribué à éviter un troisième conflit planétaire en 1962 lors de la crise des missiles de Cuba, organisé la décolonisation à partir des années 1950, conduit le Timor-Leste à l’indépendance, rendu possible le déploiement de casques bleus qui ont assuré, et assurent encore, souvent au péril de leur vie, des missions essentielles de sécurité et d’assistance au Cambodge, à Chypre, au Soudan du Sud…
Comment alors se construit et se préserve la paix? C’est la réflexion que propose le nouveau numéro de Manière de voir¹. Le premier chapitre rappelle que la paix est d’abord un état d’esprit et une volonté animant des hommes et des femmes connus ou inconnus, des associations ou des communautés religieuses, des centres de recherche, des mouvements scientifiques ou artistiques… Des médiations délicates ont ouvert la voie à d’improbables réconciliations, comme au Mozambique. C’est ce que montre le deuxième chapitre, dont les contributions soulignent, exemples à l’appui, que la négociation est un savoir-faire qui ne demande qu’à être mobilisé.
Alors que les tensions se multiplient dans le monde et que plusieurs crises semblent s’éterniser sans perspectives de résolution (Libye, RDC, Haïti…), le cadre des relations entre Etats subit des attaques sans précédent, de Gaza à l’Ukraine en passant par le Soudan. Le troisième chapitre fournit donc des éléments de réponse à cette question cruciale: comment revivifier le multilatéralisme et assurer un contrôle effectif de ses règles par les tribunaux tels que la Cour internationale de justice et la Cour pénale internationale?
Car la paix, souligne le dernier chapitre, n’est pas seulement l’absence de guerre, c’est un processus et des conditions qui assurent, concrètement et à long terme, l’éradication de ce qui cause les conflits par le dialogue et la réconciliation, le développement économique mais aussi la justice, qu’elle soit pénale ou sociale.