Édito

Démasculiniser Dieu? Oh my God!

Démasculiniser Dieu? Oh my God!
PHOTO PRÉTEXTE / CC-BY
Religions

C’est un chantier courageux qu’a lancé la Compagnie des pasteur·es et des diacres de l’Eglise protestante de Genève (EPG), qui souhaite «démasculiniser» Dieu. L’idée est de pouvoir recourir à tous les pronoms: il, iel, elle. Comme l’a révélé l’agence de presse protestante Protestinfo, un document explique le besoin de changer la représentation du «Tout-Puissant». Il a été produit par deux pasteur·es et le répondant de l’EPG pour les questions LGBTIQ+.

Même si elle n’est pas jugée prioritaire par le Consistoire (le parlement de l’Eglise), cette démarche répond à l’une des revendications formulées par une cinquantaine de femmes bénévoles, diacres ou pasteures lors de la grève des femmes de 2019. Elle demandaient davantage d’équité dans l’Eglise, l’application de l’écriture épicène ou encore une «réflexion théologique sur la représentation de Dieu au-delà du genre», selon le média Watson.

La modératrice de la Compagnie, Laurence Mottier, estime que «les femmes ne peuvent pas se reconnaître et inclure leur réalité féminine dans leur vie de foi si Dieu n’est que masculin». De la même manière, des linguistes affirment que, dans la langue, le neutre traduit par le masculin impose des images genrées dans l’inconscient individuel et collectif.

Le combat pour le langage épicène est donc celui contre l’invisibilisation des femmes. Dans le domaine religieux, le raisonnement peut aller plus loin: Dieu le «Père, Fils et Esprit», qu’on se figure en vieil homme barbu et blanc sur un nuage, est dit et représenté au masculin: «Il est mâle, et donc le mâle est Dieu», lit-on dans le document de travail.

Une façon comme une autre de définir le patriarcat, dont les religions restent un puissant bastion. Se représenter la transcendance de façon plus diverse semble donc un outil intéressant – parmi d’autres – pour rétablir un peu d’égalité entre les genres, y compris en dehors des Eglises.

Ce levier n’est pas à négliger: il n’est qu’à voir les réactions scandalisées après l’article de Protestinfo pour comprendre que toucher au sacré en plus de la langue, c’est ébranler les fondements. Bien sûr, prier «Iel» ou «Elle» demanderait d’ouvrir un vaste et tortueux chantier liturgique et théologique.

Mais puisque, selon la conception chrétienne, Dieu est tout et ne peut donc avoir un genre, il semble logique de ne pas le cantonner au masculin. Car même si on peut l’imaginer en pensant à un triangle, voire à un monolithe flottant à l’aube de l’odyssée humaine, la réalité est que la tendance à concevoir la divinité à l’image humaine a la dent dure. Les monothéismes ont à cet égard tristement balayé la riche diversité des dieux et déesses gréco-romaines.

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mercredi 19 janvier 2022 Lucas Vuilleumier
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