Neuchâtel

Un jeu dangereux

Religions

Pour promouvoir la paix religieuse et une «laïcité inclusive», le gouvernement neuchâtelois veut mettre sur un pied d’égalité toutes les religions bien implantées. Son projet de loi, qui sera débattu la semaine prochaine au Grand Conseil, propose d’ouvrir à de nouvelles confessions la reconnaissance officielle de l’Etat.

Trois communautés bénéficient déjà de ce statut: les catholiques romains et chrétiens, ainsi que les réformés évangéliques. Partant de là, il est louable que le Conseil d’Etat intègre la diversité, en traitant d’autres cultes de la même manière. Et leur impose certaines conditions, comme la reconnaissance de la suprématie du droit suisse et la transparence financière. L’idée étant que l’Etat reste neutre face aux diverses religions, tout en leur fixant un cadre légal.

Le principal problème posé par ce texte réside dans la procédure à suivre pour la reconnaissance de nouvelles religions. Au lieu de traiter les candidatures par un processus strictement administratif, il est prévu que celles-ci soient, chacune séparément, avalisées par le parlement, et surtout, soumises à la possibilité d’un référendum.

Il s’agit là d’un jeu malsain et dangereux. Un certain nombre de démarches doivent en effet être encadrée par des règles claires, des critères objectifs, et l’application mécanique d’une procédure établie. Notamment pour éviter le risque de rejet d’une communauté, pour des raisons symboliques ou de stratégie politique. Ainsi, la reconnaissance d’une communauté religieuse ne devrait pas être soumise à des décisions populaires, qui sont – l’histoire l’a démontré – dans certains cas arbitraires ou discriminatoires.

L’initiative sur les minarets, en 2009, a ainsi visé une religion en particulier, l’islam. Plus loin dans l’histoire, à la fin du XIXe siècle, l’interdiction de l’abattage rituel pointait directement les juifs. Dans un autre registre, de nombreuses dérives ont été constatées lors de naturalisations par le peuple, dans certaines communes suisses.

Si la possibilité d’un référendum dans le processus de reconnaissance d’une religion est maintenue, le Conseil d’Etat neuchâtelois risque donc de se tirer une balle dans le pied. L’instrumentalisation constante de la peur de l’islamisme radical par l’UDC ne laisse pas entrevoir des débats sereins lorsque sera traitée la demande de la communauté musulmane. Au lieu de faire avancer la paix religieuse, l’Etat pourrait surtout attiser les divisions, la stigmatisation et la haine.

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