Édito

L’initiative qui rêve de faire un tabac

L’initiative qui rêve de faire un tabac
En Suisse, le tabac provoque presque 10 000 morts par an pour cause de cancers, infarctus ou maladies dues au tabagisme, avec des coûts pour la société situés entre quatre et six milliards de francs. KEYSTONE/Peter Klaunzer
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Le 13 février prochain, la publicité pour le tabac pourrait bien se prendre un solide coup de cendrier dans les dents. Une beigne sans filtre intitulée «Oui à la protection des enfants et des jeunes contre la publicité pour le tabac», initiative populaire portée par le corps médical et les ligues de protection de la santé, soutenue par la gauche, les Vert’libéraux et le Parti pirate. Les premiers sondages lui sont favorables, mais l’industrie du tabac et ses relais politiques doivent encore sortir du bois. Solides enfumages en perspective?

Le texte proposé tient du bon sens, même s’il instrumentalise sans doute un brin enfants et ados dans son intitulé. Car pour les protéger, ce qui est infiniment noble – à 17 ans, un·e jeune sur quatre fume l’une ou l’autre forme de tabac –, c’est à peu près tout type de publicité pour les cigarettes qui disparaîtront. Ceci dans un pays où affiches publicitaires, annonces dans la presse et dans les kiosques ou spots au cinéma sont autorisés, étrange exception au cœur d’un continent aujourd’hui très restrictif.

Sans les moyens des multinationales de la clope installées en Suisse, les initiant·es ont les chiffres pour eux: le tabac provoque presque 10 000 morts par an pour cause de cancers, infarctus ou maladies dues au tabagisme, avec des coûts pour la société situés entre quatre et six milliards de francs. Malgré une concentration en goudron nettement plus élevée, la route tue quarante fois moins. Quant aux conséquences néfastes du tabac, elles sont renforcées chez les jeunes, rappellent les initiants.

A défaut de chiffres, difficile de savoir à quel point les kiosques seraient touchés par le texte. Par contre, l’argument de la réclame comme soutien aux médias est obsolète: les modestes 10 millions de francs investis en 2020 ne correspondent qu’à 0,2% des dépenses publicitaires totales en Suisse. Pour sauver la presse, le 13 février, on fera mieux de voter oui à la loi sur l’aide aux médias. Quant aux festivals, où les grandes marques paient cher pour offrir des cigarettes dans un cadre cool, ils ont entre-temps subi un tsunami nommé Covid – une remise en question de leur modèle économique est de toute manière à l’ordre du jour.

Quel que soit le résultat du vote, un contreprojet indirect entrera en vigueur. Mais la loi sur les produits du tabac concoctée à Berne n’influencera guère les ventes, puisqu’elle perpétue la pub dans la presse et les kiosques, ou le parrainage de manifestations. Preuve que le lobby du tabac reste puissant en Suisse, avec de forts relais sous la Coupole. Une raison de plus pour dire oui à l’initiative.

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