Innocent mais seulement devant la loi
Pierre Maudet, accusé en première instance d’acceptation d’un avantage en raison de son luxueux voyage à Abu Dhabi en 2015, tous frais payés par la Couronne émiratie, a été disculpé par la justice genevoise en appel. Sous réserve d’un nouveau retournement de situation en cas de recours au Tribunal fédéral, l’ancien conseiller d’Etat peut déjà savourer sa victoire après environ trois ans d’une «affaire Maudet» au retentissement sans précédent.
L’arrêt n’est toutefois pas tendre avec le prévenu. Car il souligne les manquements de l’ex-magistrat, seul responsable de ses ennuis judiciaires. Qu’il s’agisse du mensonge pour dissimuler l’origine du financement ou le fait qu’en acceptant un voyage d’une valeur d’au moins 50’000 francs, il a bien accepté un avantage indu puisque cela violait les règles du Conseil d’Etat sur les cadeaux. On ajoutera qu’en s’accrochant au pouvoir malgré sa qualité de prévenu, il a gravement nui aux institutions.
Pour autant, aucun reproche pénal ne peut être retenu, affirme le jugement rendu mardi. Pourquoi? Car la Couronne l’a invité comme n’importe quelle personnalité au Grand Prix de formule 1, un événement pour promouvoir les Emirats, et pas en espérant influencer ses futures décisions. Sur ce point, le jugement ne diffère pas de celui de première instance.
Il le corrige concernant le rôle des hommes d’affaires genevois qui ont permis d’obtenir l’invitation princière. Et là, il faut s’accrocher pour suivre l’acrobatie juridique. Tentons de faire simple: à en croire les juges, Pierre Maudet aurait directement bénéficié de l’avantage qu’était l’invitation incluant palace, cigares et champagne, mais pas des démarches pour l’obtenir… Le raisonnement chutera-t-il en cas de recours?
Quant au sondage offert par l’entrepreneur Magid Khoury, c’est un financement politique, un domaine pour lequel le législateur fédéral n’a jamais voulu imposer de normes. Cet acquittement souligne donc d’autant plus le manque criant de règles légales pour régir les rapports entre la politique et l’argent qu’il reconnaît à quel point les entrepreneurs ont agi de façon intéressée. A l’instar des largesses de Manotel, «dont l’intérêt à continuer de voir siéger au Conseil d’Etat une personnalité qui avait à plusieurs reprises fait appel à ses services dans le cadre de l’exercice de ses fonctions est évident».
Cet acquittement pourrait bien convaincre Pierre Maudet de se représenter au Conseil d’Etat en 2023, pour peu qu’il hésiterait à le faire. On ne doute pas qu’il saurait avantageusement se poser en victime du gouvernement, du Ministère public, des médias, des caciques de son ancien parti. A quel point son destin judiciaire pèsera-t-il dans les urnes? A quel point son acquittement minera-t-il le PLR? Affaire Maudet à suivre.