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Laurence Boissier s’est tue

Laurence Boissier s’est tue
Ce n’est pas dans sa campagne genevoise mais dans les bistrots que l’auteure a écrit son "Inventaire des lieux". Corinne Stoll
Carnet noir

C’est une voix unique des lettres suisses qui s’est éteinte vendredi. Nous ignorions sa maladie, la nouvelle de son décès a été un choc. Née à Genève en 1965, Prix suisse de littérature 2017 pour Inventaire des lieux (Ed. art&fiction), Laurence Boissier excellait dans la forme brève et l’art du décalage, ses textes sapant l’air de rien le conformisme sous toutes ses formes avec un art consommé de l’absurde.

Après avoir étudié l’architecture d’intérieur à l’Ecole des arts décoratifs de Genève, elle avait été déléguée du CICR puis avait travaillé durant une dizaine d’années comme ingénieure en physique du bâtiment pour le canton de Genève. Avec un sentiment persistant d’inadéquation au monde, confiait-elle dans nos colonnes après avoir reçu avec étonnement le prix fédéral (Le Courrier du 17 février 2017). A l’orée de la quarantaine, cette mère de deux jeunes enfants avait ainsi tout lâché pour s’inscrire aux Beaux-Arts.

Elle terminait la HEAD en 2009 et rejoignait dès 2011 le collectif d’auteur·trices et de musicien·nes romand·es et alémaniques Bern ist überall. On la découvre alors sur scène, silhouette élancée à l’élégance discrète qui dynamite les ­attentes de sa voix douce, lisant d’un air pince-sans-rire des textes lapidaires et hilarants qui pointent avec un sens aigu de l’autodérision les mille travers du quotidien contemporain.

Elle signe également plusieurs recueils de textes – Projet de salon pour Madame B. (art&fiction, 2010), Noces (Ripopée, 2010), Cahier des charges (D’autre part, 2011) et Inventaire des lieux ( 2015) – avant de publier un premier roman, Rentrée des classes (art&fiction, 2017), lauréat du Prix des lecteurs de la Ville de Lausanne et du Prix Pittard de l’Andelyn 2018. Ont suivi, chez le même éditeur, Safari (2019) et Histoire d’un soulèvement (2020).

Laurence Boissier avait contribué au recueil de nouvelles Tu es la sœur que je choisis, coédité par les Editions d’En Bas et Le Courrier. Il y a pile six ans, notre rubrique Inédits publiait «Le maillot de bain orange», où l’on retrouvait avec bonheur son écriture concise aux lisières du non sens. On ne l’entendra plus sur scène. Reste sa prose singulière, exploration pudique des failles dynamitée par l’humour. Mais Laurence Boissier va nous manquer.

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