Édito

Indécence normalisée

Indécence normalisée
Les jeunes manifestent à Lausanne lors d'une grève du climat. KEYSTONE/ PHOTO PRETEXTE
Hausse fortune

Les 300 plus grandes fortunes de Suisse se sont enrichies de 155 milliards de francs cette année. A titre de comparaison, la Confédération table sur un budget total de 81 milliards en 2022. Au total, ces quelque 0,0035% de la population détiennent à eux seuls aujourd’hui près de 822 milliards, indiquait le magazine Bilan fin novembre.

La hausse de la fortune par rapport à l’année précédente est de 16,3%, la plus forte progression depuis la parution du classement en 1989. Et pourtant la nouvelle statistique n’a pas fait grand bruit dans les médias. On s’habitue bien à la concentration des richesses! En trente ans, la fortune moyenne des plus nantis a plus que quadruplé.

Au même moment en Suisse, des malades gravement atteints voient leurs traitements et opérations repoussées en raison de la sous-dotation des hôpitaux (révélée par les conséquences du Covid-19), le Parlement a décidé de relever l’âge de la retraite des femmes, des milliers de personnes sont à la rue, nos autorités refusent des milliers de réfugié·es d’Afghanistan, de Syrie et d’ailleurs et les budgets pour une transition climatique restent faméliques… La liste infinie de nos renoncements à la décence au nom d’une imaginaire pénurie de ressources, nos lectrices et lecteurs la connaissent et s’en désespèrent presque quotidiennement.

Avec bientôt un million de personnes vivant dans la pauvreté, la Suisse voit croître la violence et les tensions sociales chaque jour, de même que la xénophobie qui l’accompagne, tout en continuant à piller les ressources de pays du Sud.

Celles et ceux qui proposent une meilleure répartition des richesses sont souvent qualifié·es d’idéalistes ou de dangereux·ses révolutionnaires. Les jeunes femmes et jeunes hommes mobilisés dans la Grève pour le climat nous enseignent que l’on peut rapidement passer d’une de ces postures supposées à une autre, comme en témoignent leur interpellation à nos gouvernants: «Agissez rapidement sinon nous devrons abattre la capitalisme», avons-nous souvent entendu.

Si les tenants du système continuent à répéter qu’il est irréaliste aujourd’hui de viser une vie digne pour toutes et tous et la préservation de l’environnement dans le cadre existant, on ne voit effectivement pas ce qui retiendra la nouvelle génération d’en finir avec un mode économique et social qui subordonne le pouvoir d’agir et les intérêts d’une grande majorité à ceux d’une toute petite minorité. Le rapport de force connaît dans tous les cas de nouvelles évolutions.

Opinions Édito Christophe Koessler Hausse fortune

Connexion