Un soutien pour le réseau de l’ethnopsychiatrie
Les professionnel·les solidaires envers les réfugié·es mineur·es et jeunes majeur·es non accompagné·es ont dénoncé la semaine passée les conditions d’accueil et de travail indignes au foyer de L’Etoile1> Lire Mohamed Musadak, «Une Etoile au bord de l’explosion», Le Courrier du 30 novembre 2021.
L’accueil de cette population vulnérable devrait s’effectuer dans de petites structures à taille humaine dotées d’un personnel plus nombreux et mieux formé. Les autorités ont promis l’an dernier d’aller dans cette direction. Elles évoquaient alors un transfert des compétences de l’Hospice général à la Fondation officielle de la jeunesse. Attendues, ces mesures tardent à être concrétisées. Il faut espérer qu’une fois mises en œuvre elles parviendront à apaiser la situation.
Par ailleurs, les associations spécialisées dans la défense des droits des migrant·es constatent une forte augmentation de leurs besoins. C’est le cas par exemple pour les associations spécialisées dans la consultation ethnopsychiatrique/psychologique. Celles-ci reçoivent plusieurs centaines de patiente·s de plusieurs dizaines de nationalités, qui s’expriment dans plus de vingt langues. Les équipes pluridisciplinaires de ces associations, à l’instar de Pluriels et Appartenances, emploient des psychiatres, des psychologues, des médecins, du personnel administratif et des personnes en réinsertion. Elles reçoivent des enfants et des adultes et réalisent des suivis pour les couples et les familles.
L’hôpital cantonal, le Département de l’instruction publique, les services sociaux, les tribunaux ainsi que les médecins de famille leur adressent quotidiennement des patients. La Consultation ambulatoire mobile de soins communautaires (CAMSCO) et les Centres ambulatoires de psychiatrie et psychothérapie intégrée (CAPPI) sont très sollicités. Les associations jouent donc un rôle important dans la régulation du flux des patient·es nécessitant une prise en charge psychothérapeutique aux HUG.
Le Covid-19 a un fort impact, notamment sur les jeunes. Il aggrave les tensions intrafamiliales. Beaucoup de personnes se retrouvent isolées. La fermeture temporaire de l’Arcade sages-femmes, durant près de trois mois, au printemps 2020, a aggravé le problème de la dépression post-partum, dont la prévalence est déjà d’ordinaire plus forte au sein des populations migrantes. Les associations effectuent également des activités de supervision et de formation. Elles collaborent notamment avec la Haute école de travail social.
Les interprètes jouent un rôle capital dans le cadre du dispositif thérapeutique. La Croix-Rouge et l’OMS, sous la pression des professionnel·les, ont reconnu la valeur de leur travail en facilitant la mise en place de formations dans ce domaine. Les services de traduction ne sont pas encore remboursés par l’assurance-maladie. Malheureusement, les associations doivent se battre chaque année pour trouver un financement complémentaire auprès des fondations privées et des communes. Seuls les interprètes peuvent traduire certaines valeurs et concepts. Elles et ils agissent en tant que médiateurs et médiatrices culturel·les qui font des ponts entre la culture du pays d’accueil et celle du pays d’origine. Ce qui se dit entre les quatre murs de la consultation est souvent très lourd et difficile, avec des règles de déontologie contraignantes.
Jusqu’ici, la psychothérapie déléguée permettait à un psychiatre de déléguer les soins thérapeutiques à des psychologues-psychothérapeutes non médecins. La nouvelle réglementation supprime cette délégation. Elle introduit une limite de quinze séances par patient dans le cadre des prescriptions médicales, ce qui est nettement insuffisant pour certain·es patient·es nécessitant un suivi sur le long terme.
La pandémie de Covid-19 risque de reléguer la problématique migratoire au second plan. Elle peut aussi renforcer les réflexes d’isolement et de repli, contribuer à la banalisation, voire à l’instrumentalisation des idées populistes et xénophobes. Dans ce contexte, les associations spécialisées en ethnopsychiatrie ont besoin d’un soutien renforcé de la collectivité publique.
Notes
Emmanuel Déonna est député au Grand Conseil genevois, PS.