Édito

Ouvrir les yeux sur la détresse

Ouvrir les yeus sur la détresse
Rien qu’au premier semestre 2021, au moins 1146 personnes sont mortes en mer Méditerranée, selon l’Organisation internationale pour les migrations. KEYSTONE
Asile

Un référendum est lancé contre Frontex pour s’opposer à l’augmentation de la contribution de la Suisse de 24 à 61 millions de francs. Cette somme servira à renforcer la surveillance des frontières par l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes. De facto, elle contribuera à refouler toujours davantage de migrant·es qui viennent chercher refuge en Europe, avant même de connaître les motifs de leur fuite. La Suisse est restée sourde aux appels à créer des chemins d’exil sûrs et légaux. Au contraire, elle participe à renforcer l’Europe forteresse. En externalisation sa politique d’asile, elle s’est déchargée de ses responsabilités.

Dans les geôles libyennes, les personnes qui ont tenté de traverser la mer sont victimes de torture, d’agressions sexuelles, de travail forcé. Cette réalité n’empêche pas les drones de Frontex de sillonner la mer Méditerranée pour avertir les gardes-côtes de Libye de la présence de migrant·es. Celles et ceux qui ont échoué à atteindre l’Europe retenteront le voyage, au péril de leur vie, pour échapper à l’enfer libyen. Rien qu’au premier semestre 2021, au moins 1146 personnes sont mortes en mer Méditerranée, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). En finançant Frontex, la Suisse s’en accommode. La décision du parlement d’augmenter sa contribution est un blanc-seing à des pratiques criminelles.

Peu après, le parlement européen prenait une décision plus courageuse en demandant le gel d’une partie du budget de Frontex. Inquiet du respect des droits humains, il conditionne son déblocage au recrutement de vingt officier·ères aux droits fondamentaux, à la mise en place d’un mécanisme de signalement des incidents graves aux frontières extérieures et à la création d’un système de surveillance des droits fondamentaux. Ces mesures ne permettront pas de régler un problème structurel mais restent néanmoins un signal.

Dans ce contexte, la frilosité de grandes organisations comme Amnesty International, qui ne soutient pas le référendum, laisse perplexe. La Suisse ne pèse peut-être pas lourd, mais nourrir une agence peu scrupuleuse des droits humains en fermant les yeux n’est pas admissible. Mener un référendum sur Frontex, c’est permettre aux citoyen·nes de s’exprimer sur un dispositif qui tend à passer sous le radar du contrôle démocratique.

Opinions Édito Sophie Dupont Asile Migration

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