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La prison, reflet d’une société

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Les 125 ans de la prison pour femmes d'Hindelbank (photo) sont l'occasion de s'interroger. Sommes-nous capable de nous émanciper du système carcéral? Quelle prison voulons-nous? KEYSTONE
Détention

Les femmes ne représentent que 5 à 6% de la population carcérale en Suisse. Cette marginalité a conduit à ce que leurs besoins spécifiques ont été bien trop faiblement pris en compte, rappelle une historienne dans nos pages à l’occasion de la commémoration des 125 ans du plus grand établissement pénitentiaire suisse pour femmes. Ceux liés à la maternité, notamment. Les femmes ont aussi perçu bien plus tard que d’autres détenus un pécule pour leur travail. Ce qui prétéritait encore, outre l’humiliation qui y est liée, le difficile retour à la vie libre.

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Des milliers de femmes sont aussi passées par la prison bernoise au titre de l’internement administratif. Aboli en 1981 seulement, ce régime permettait d’emprisonner une personne sans procès ni condamnation, et pour une durée indéterminée, ouvrant la porte à tous les arbitraires. Motif de ces internements? «Rééduquer». Le motif «inconduite» (renvoyant à la sexualité hors mariage) figure pour 70% des cas d’internements à Hindelbank, une stigmatisation quasi-exclusivement réservée aux femmes.

Cette pratique a été largement acceptée par la population. Tentant de tirer les leçons du passé, l’exposition anniversaire de l’établissement questionne: «En existe-t-il d’autres qui pourraient dans cinquante ans être à leur tour considérées comme incompréhensibles?» La question des coûts humains et sociaux de la prison reste peu thématisée par la population, et la réflexion semble cantonnée à certaines associations de terrain, aux professionnel·es, aux chercheurs et aux chercheuses. L’actuelle directrice de l’établissement, où six détenues sur dix sont mères, désigne pourtant comme principal problème de l’exécution des peines son impact sur les enfants et sur le système familial, dont ces familles soudainement «monoparentales» qu’ont à gérer les femmes dont le conjoint est emprisonné.

Les mobilisations restent rares sur ces thématiques. Raison de plus pour citer celle générée au Royaume-Uni contre la construction de 500 nouvelles places de prison pour femmes. Elle demande, selon les sanctions, davantage de travaux d’intérêt général, de peines pécuniaires et de recours à la justice restaurative. Et nous interroge par-dessus la Manche: sommes-nous capable de nous émanciper du système carcéral? Quelle prison voulons-nous? Et quel est le prix qu’une société est prête à payer pour satisfaire un besoin absolu de sécurité?

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