Hub de renvoi, le retour
Le canton de Genève a beau jeu de répéter qu’il n’est pas décisionnaire en matière d’asile, il semble mettre beaucoup de cœur à l’ouvrage pour remplir et même anticiper les attentes de la Confédération en matière de renvoi des étrangers et étrangères. Combien de fois le Conseil d’Etat aura-t-il répété, dans le sillage du départ de Tahir Tilmo et des mobilisations qu’il avait suscitées, son impuissance face aux décisions de Berne? C’est pourtant ce même exécutif qui a déposé en juin dernier le projet d’un nouveau centre de détention administrative, prêt à mettre sur la table 77 millions de francs pour construire un «hub de renvoi» aux portes de l’aéroport. Sans même que la Confédération n’ait à bouger le petit doigt ou sortir le porte-monnaie!
La situation est d’autant plus cynique que cette construction côtoiera le centre fédéral d’asile – ou de renvoi, question de point de vue. Manière d’avertir celles et ceux qui espèrent voir leur demande aboutir que le retour à la case départ les guette. Et histoire que nul·le n’ignore la teneur de l’épilogue, le projet architectural prévoit même une «grande fenêtre panoramique [qui] permet de situer le bâtiment dans le contexte immédiat de l’aéroport». Peu de chances que cela évoque des souvenirs balnéaires…
Après un premier projet de loi démesuré qui misait sur la création de 50 places supplémentaires, le Conseil d’Etat semble avoir de lui-même concédé le gigantisme d’un tel dispositif. Il est revenu en commission avec un projet revu à la baisse – de moitié. Mais en réservant ses précisions au huis clos, il cultive la désagréable impression de manœuvrer dans l’ombre.
Mauro Poggia se veut pourtant rassurant: il ne s’agit pas ici de construire de nouvelles places de détention administrative à proprement parler, mais uniquement un point de relais pour éviter les convois au petit matin. Avec 25 places, ce bâtiment pourrait accueillir autant de personnes que Frambois, principal centre de détention administrative du canton – qui dispose actuellement de 45 places en tout. Sacré turn-over que l’exécutif nous promet là. On ne peut pas s’empêcher d’y voir un dessein politique, malgré un exécutif à majorité de gauche. Et de redouter que la logique d’enfermement et d’expulsion ne trouve ici un nouveau tremplin.