Agora

«On ne peut pas étudier sans manger!»

D’ancien·nes membres de la CUAE apportent leur soutien au syndicat étudiant et aux occupant·es des cafétérias d’Unimail qui demandent le maintien des repas à trois francs dans le contexte pandémique.
Genève

Le 13 octobre 2002, la Conférence universitaire des associations d’étudiant.e.x.s occupait l’ancien Hôtel California, laissé vide par ses propriétaires et les autorités, pour loger des étudiant·es et pour dénoncer l’absence de politique sociale de l’Université. C’était la suite d’une longue histoire d’occupations pour rappeler que la démocratisation des études n’est rien si elle n’est que l’accès à des salles de cours et des bibliothèques. Aujourd’hui, la CUAE est toujours à l’offensive, mais plus question de logement cette fois-ci, c’est à manger qu’il faut.

Dans ces circonstances, nous, ancien·nes membres du syndicat étudiant, voulons apporter notre plus vif soutien à notre ancienne organisation.

Les autorités refusent d’affronter la question centrale liée à la démocratisation des études qui est celle des conditions matérielles de ces études. Tout le monde a formellement le droit d’étudier, mais ces conditions matérielles n’ont plus été sérieusement questionnées depuis la première loi sur la démocratisation des études à la fin des années 1960. Nous en tenons pour preuve le fait que c’est seulement devant l’urgence de la pandémie que l’Université a mis en place (avec une fondation privée) des bourses extraordinaires. Il est ainsi admis qu’en régime normal, un·e étudiant·e doit rechercher du travail précarisé pour financer ses études. Ce n’est qu’en cas de catastrophe qu’un soutien exceptionnel pourra être octroyé.

Devant le mutisme du Département de l’instruction publique et de sa magistrate face aux revendications de la CUAE, nous voulons rappeler quelques évidences. On ne peut pas étudier en cumulant des jobs uberisés. On ne peut pas étudier sans être logé. On ne peut pas étudier sans manger.

La nécessité où se trouvent trop d’étudiant·es de travailler à côté de leurs études est défavorable à l’ensemble des travailleuses et des travailleurs. Personne ne s’intéresse à ses conditions de travail quand il s’agit d’un boulot qu’on espère provisoire et qu’on agence tant bien que mal avec un programme de cours. Contraint·es de travailler, les étudiant·es contribuent à la précarisation générale des conditions de travail.

Il faut prendre les mesures d’urgence réclamées par la CUAE au sujet des repas, mais il faut aussi revoir en profondeur le système de bourses pour assurer une véritable démocratisation des études. Entre 2004 et 2020, la part des bénéficiaires d’une bourse au degré tertiaire a régressé de 15% à 11% à Genève et de 15% à 7% pour la Suisse. Dans le même temps, les loyers et les primes d’assurance-maladie n’ont cessé d’augmenter. Plus que jamais, la formation est envisagée par les politiques comme un investissement individuel, cela doit cesser.

Premières et premiers signataires: Nelson Amici, Lorraine Astier Cholodenko, Lorenzo Avellino, Jamal Al-Amine, Camila Aros, Jonathan Baud, Alexia Bonelli, Ignace Cuttat, Frédéric Deshusses, Pauline Emery, Nadine Frei, Taline Garibian, Giangiorgio Gargantini, Romain Gauthier, Joan Gestí Franquesa, Marine Girardin, Alix Heiniger, Laure Lamb, Raphaël Roux, Quentin Stauffer, Samia Swali, Leonhard Unterlerchner, Aurélie Valletta, Thibaut Vibert.

Opinions Agora Collectif Genève Précarité Etudiants

Connexion