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Anti-pass et antisocial

Pierre-Alain Wassmer revient sur l’usage jugé abusif de certains termes dans les débats.
Pandémie

En regardant les infos sur la RTS un mardi soir, j’ai pu entendre les arguments des «amis de la Constitution», édifiant: «Je ne peux plus aller au resto, je n’ai plus accès à la culture, je suis exclu», «c’est de la discrimination!».

Ah bon? Mais il suffirait de se faire vacciner (gratuitement) pour éviter cela. Que vous ayez peur du vaccin peut se comprendre (toutes les raisons sont bonnes, même les pires inventions, tout le monde a le droit d’avoir peur) et il faut alors en supporter les conséquences. Par exemple, étudier à distance ou voir des films sur petit écran, se faire livrer des repas, au moins pendant la durée de la pandémie. Tout comme les personnes qui ont peur de l’avion et qui renoncent aux petits week-end à Barcelone.

Par contre, le terme discrimination est totalement abusif, parce que la discrimination, elle, existe déjà dans nos sociétés, elle est notamment liée à la situation sociale et économique des plus pauvres, qui n’ont pas l’argent pour profiter de la culture, qui ne peuvent jamais aller au restaurant. De ces personnes on ne dit rien, on n’invoque pas la Constitution, son article 8, alinéa 2, etc.

«Il existe des moyens de se faire soigner, il y a des médecins, des médicaments.» A l’évidence, la personne qui dit cela n’est jamais entrée dans un hôpital en période de pandémie, elle n’a jamais vu les appels des médecins italiens au pire de la crise. C’est une forme de négationnisme: la pandémie n’existe pas, les morts n’existent pas, ce que je ne vois pas de mes propres yeux n’existe pas.

C’est même une sorte de cynisme absolu quand on entend cette dame bien habillée nous expliquer que s’il y a des morts, ce sont des personnes qui seraient mortes de toute façon, «qu’il faudra remettre dans les esprits que nous sommes tous mortels».

Dans tous les cas il y a un mépris souverain de la douleur des personnes en deuil et du travail du personnel de la santé. Il y a aussi un mépris écrasant pour ceux qui souffrent réellement de discrimination, de ceux qui ne peuvent pas changer de couleur de peau ou qui subissent les pires insultes et les pires affronts sans pouvoir se défendre.

Ce mépris affiché par des gens bien intégrés dans la société de consommation, par ailleurs très ordinaires et sans grande empathie ni vergogne, intéresse particulièrement certains partis ou groupuscules d’extrême droite, prompts à récupérer toute forme de contestation qui ne remettrait pas en cause leurs propres valeurs, et c’est bien le cas. Le mot liberté prend ici un sens très particulier de «mon bon plaisir, mes peurs, mes envies», sans jamais envisager les problèmes et donc les solutions comme étant celles qui répondent aux besoins de l’ensemble de la population, en particulier des personnes les plus en difficulté. C’est ce qu’on appelle l’esprit antisocial. Le mot peuple prend lui aussi un sens bien particulier de «moi et les gens qui pensent comme moi», les autres ne méritant pas qu’on s’y intéresse: quel genre de démocratie est-ce là?

Plus de médecins et moins d’Etat, plus d’aide et moins d’impôts, plus de beurre et moins d’épinard! Voilà leurs revendications, et l’UDC rajoute que demain on rase gratis. C’est ce genre de slogans qui amène quelques milliers d’excités ou de faux indiens à attaquer le Capitole à Washington, ou leurs petits imitateurs de Berne devant le Palais fédéral. Antisociaux et antidémocratiques, les apprentis sorciers de la politique nous laissent songeurs quant à l’avenir de notre pays.

Pierre-Alain Wassmer, Conches (GE)

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