Édito

Le carbone est mort, mais il peut encore nous tuer

Le carbone est mort, mais il peut encore nous tuer
Il n'y a pas de plan sérieux pour sortir du pétrole à moyen terme. KEYSTONE
Energie

Coupures d’électricité en Chine, prix de l’énergie au plus haut en Europe, producteurs pétroliers en grande difficulté, les signes d’une profonde crise énergétique s’accumulent. La relance économique intervenue au lendemain des confinements dessine les limites d’un monde carboné qui s’en est cru longtemps affranchi. Une chance et un péril, alors que les nations se réunissent dès le 31 octobre à Glasgow pour relancer l’Accord de Paris sur le climat.

Bâtie sur l’éphémère foison des énergies fossiles, l’expansion capitaliste patine sévèrement. Un an et demi après le choc du Covid-19, l’usine du monde doit à nouveau fermer des fabriques, privées non plus de main d’œuvre cette fois mais d’électricité. En cause, un courant chinois, à base de charbon, de moins en moins rentable, que les producteurs préfèrent couper que de produire à pertes en raison de prix régulés.

En Europe, c’est la dépendance au gaz qui présente sa note. Car comme pour le reste des énergies fossiles, les réserves conventionnelles s’épuisent. Le déclin de la production gazière a débuté en 2004, celui du pétrole quatre ans plus tard. «Nous découvrons en moyenne sept fois moins de pétrole conventionnel [qu’en 1960, mais] nous en consommons trois fois plus», résume l’expert français Matthieu Auzanneau, dans un ouvrage coédité par notre partenaire Reporterre1> Pétrole, Le déclin est proche, M. Auzanneau, H. Chauvin, Seuil/Reporterre, septembre 2021. La décroissance paraît inexorable, de même que l’inflation. D’autant que les hydrocarbures non-conventionnels ne remplissent aucune de leurs promesses du début du siècle, ni en termes de quantité ni de rentabilité. Pour nombre de pays vivant de leur rente énergétique, les perspectives sont calamiteuses à très court terme.

Au-devant d’un choc pétrolier majeur, le monde aurait encore le temps de planifier une transition énergétique aussi indispensable du point social et économique que vitale, évidemment, face au péril climatique. Rarement les planètes n’ont paru aussi alignées!

Et pourtant! Le peak oil et la rationalité économique ne nous tireront pas seuls du pétrin. Pour n’avoir pas échafaudé de plan sérieux de la sortie du pétrole, la tentation peut être grande, face à la pénurie, d’épuiser l’ensemble des ressources encore à disposition, sans égards pour leur bilan climatique. La tentative actuelle de la Chine de réactiver coûte que coûte son industrie charbonnière en est un exemple. Quant au secteur pétrolier, il ne renoncera pas à distiller son poison jusqu’au bout, quitte à brader un capital amorti de longue date. Or, même en s’en tenant aux estimations les plus basses, brûler la moitié des hydrocarbures disponibles suffirait à faire échouer l’objectif de Paris…

On le voit, si la rationalité économique invite elle aussi à préparer la transition, la clé demeure dans les mains des politiques.

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